27 août 2017

Le B.-A. BA de la lecture enfin de retour !

Jean-Michel Blanquer a récemment confié à L’Obs son penchant pour la méthode d’apprentissage de la lecture syllabique et annonce le retour du fameux B.-A. BA dans les programmes scolaires. Il met fin par-là à 15 ans de pratique de la méthode semi-globale, exécutant ainsi la suppression qu’envisageait l’ex-ministre de l’Education Nationale, Gilles de Robien, en 2006, sans toutefois y parvenir. Explications de ce retour à la méthode « qui a fait ses preuves ».

Une définition du jargon éducatif

Blanquer souhaite trancher en faveur de l’adoption de la méthode syllabique (« Léo et Léa », « Je lis », « J’écris » ou bien encore la méthode Boscher) et cela réveille des débats vieux de plusieurs décennies.

« On s’appuiera sur (…) une pédagogie explicite, de type syllabique, et non pas sur la méthode globale » (propos rapportés par Le Figaro)

La méthode syllabique associe les lettres de l’alphabet entre elles afin de constituer des syllabes. L’enfant déchiffre d’abord des sons (phonèmes) puis des ensembles de lettres (graphèmes) qu’il reconnaîtra par la suite dans des mots. Cette méthode remonte au XIXème siècle et est la plus ancienne.

La méthode globale, elle, a été instituée par Decroly au début du XXème siècle et invite l’enfant à partir de mots appris d’un bloc sans avoir au préalable étudié leur composition pour ensuite y reconnaître un assemblage de lettres. C’est donc le sens logique de l’assemblage des mots qui monopolise toute l’attention de l’enfant. Il survole ainsi le texte sans pour autant prendre le temps de comprendre la composition de chacun des mots. Cette méthode s’est imposée dans les instituts de formation des maîtres de 1975 à 1985 et dans les années 1970, Foucambert en a établi une version stricte interdisant aux professeurs d’enseigner la correspondance des lettres avec le sens.

Blanquer désire revenir à la stricte pratique de la méthode syllabique car depuis 2002, les programmes usaient souvent d’une méthode combinatoire (Ratus, Gafi le Fantôme, Abracadalire). En effet, les manuels de lecture utilisés s’appuyaient sur un apprentissage des syllabes en premier lieu puis sur l’apprentissage de mots. Les devoirs du soir donnaient des textes à lire aux enfants avant même d’avoir appris tous les phonèmes employés ! Les pédagogues actuels ont tout de même trouvé un terrain d’entente au travers de la pédagogie explicite qui consiste à faire « déchiffrer » à l’élève afin de l’aider à établir une correspondance entre les lettres et les sons. La répétition et le déchiffrage sont d’ailleurs reconnus par les neurosciences pour faciliter la lecture aux enfants.

Une décision qui s’appuie sur les recherches des neurosciences

« On s’appuiera sur les découvertes des neurosciences, donc sur une pédagogie explicite, de type syllabique, et non pas sur la méthode globale, dont tout le monde admet qu’elle a des résultats tout sauf probants. »

Le message est clair. Il faut désormais payer les pots cassés de l’Education Nationale, qui prend le soin de dissimuler les études comparatives des dernières années montrant la dégradation de la maîtrise des savoirs fondamentaux à l’entrée en sixième. C’est au travers des tests passés pendant leur JDC (Journée Défense et Citoyenneté) que le résultat des tests de lecture des adolescents apparaît le plus nettement. En 2016, un adolescent sur dix s‘avère avoir des lacunes en lecture. Sur 760 000 jeunes qui ont passé leur JDC, 10,8 % d’entre eux soit 82 080 avaient des difficultés en lecture. 5 % de ce groupe d’élèves sont déclarés en situation d’illettrisme. Le nombre d’adolescents en difficulté est en hausse de 0,9 % puisqu’en 2015 il n’y en avait que 9,9 % et en 2014 9,6 % (sources de l’Actualitté)
Un tel échec s’explique par la désapprobation de la méthode globale par les neurosciences. Le ministre de l’Education Nationale appuie sa réforme sur les recherches de Stanislas Dehaene, neuroscientifique et professeur au Collège de France, qui a démontré pendant les années 1980 l’inefficacité de la méthode globale. La lecture globale active l’hémisphère droit du cerveau alors que l’attention portée aux lettres met en activité une autre région. « Autrement dit, l’apprentissage par la méthode globale mobilisait un circuit inapproprié » conclue le chercheur. Ce phénomène semble avoir des conséquences sur la compréhension écrite des textes étudiés. Selon les statistiques du ministère « de nombreux enfants décodent correctement… sans comprendre ce qu’ils lisent » selon Le Figaro du 24/08. Une circulaire de Gilles de Robien en 2006 dénonçait ce phénomène afin de promouvoir la méthode syllabique : « L’automatisation de la reconnaissance des mots nécessite des exercices systématiques de liaison entre les lettres et les sons et ne saurait résulter d’une mise en mémoire de la photographie de la forme des mots qui caractérise les approches globales de la lecture ». Sandrine Garcia et Anne-Claudine Oller, professeurs aux universités de Bourgogne et de Paris-Est, ont conclu en 2015 après 3 ans passés avec 200 élèves de CP, que la méthode semi-globale était trop intellectuelle, excluant ainsi les élèves les plus faibles. Cette méthode nécessite un travail de mémorisation considérable alors que « beaucoup d’enfants n’ont pas encore développé une mémoire suffisante pour le faire ce qui les conduit à l’échec ».

Quelle(s) conclusion(s) tirer quant à l’apprentissage futur de la lecture par nos enfants ?

Une étude de l’Ifé en 2016 menée par 60 chercheurs auprès de 1500 enfants assure qu’il est nécessaire de « décoder » à haute voix et que pour pouvoir s’approprier les mots, il est aussi conseillé à l’enfant d’ « encoder », c’est-à-dire d’écrire des sons de sa propre plume. Cette étude invite à continuer de faire lire les élèves autant en CE1 qu’en CE2 afin de leur donner le goût de lire en gagnant en fluidité.

« Nous mettrons en avant les méthodes d’apprentissage les plus efficaces en matière de lecture, d’écriture et de calcul. Il faut que les professeurs dédient un temps important à ce qui sera demain le cœur de leur compétence » (selon Le Figaro)

Le ministre assure que, pour les classes de CP situées en REP+ qui vivront un dédoublement dès la rentrée, « dès le mois de décembre, un enfant qui ne sera qu’imparfaitement entré dans la lecture devra être suivi avec une attention particulière afin qu’il finisse l’année avec les compétences attendues. »

Rendez-vous à la publication des résultats aux tests de lecture des JDC de 2027 afin de constater les fruits qu’auront portées ces réformes…

Claire Auban

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