4 mai 2016

Désert éducatif ?

IMG_7984La réforme du collège, qui a agité les esprits au cours des derniers mois, se met assez fermement en place dans la plupart des établissements pour la rentrée prochaine. Elle a remis à l’honneur la question centrale du contenu des enseignements, à laquelle les parents et la société civile ne s’intéressaient pas suffisamment. Mais les récentes manifestations ont soulevé une autre question, tout aussi préoccupante, celle des effectifs. Les media ont relayé le manque cruel de professeurs remplaçants. Mais peut-être eût-il fallu s’inquiéter du manque de professeurs tout court. Car c’est une réalité qu’on néglige, et qui devient absolument dramatique.

Nous avons déjà évoqué la pénurie de candidats aux concours de recrutement, qui ne fournissent pas, loin s’en faut, le contingent nécessaire pour que chaque classe ait devant elle les professeurs requis.

En effet, en 2015 en Lettres Classiques, seuls 89 des 230 postes ouverts au concours du second degré (CAPES) ont été pourvus. Il faut dire qu’il n’y avait que 142 candidats : à force de supprimer en amont l’enseignement des langues anciennes, on ne peut guère s’étonner de ne plus être en mesure de trouver d’étudiants performants dans ces disciplines. La nouvelle réforme du collège n’améliorera évidemment pas la situation. En Lettres Modernes, ce sont 197 postes qui sont restés non pourvus (ce qui est énorme quand on conçoit qu’il s’agit bien de postes et non de classes, et que chaque poste à temps plein concernera entre 3 et 4 classes), en anglais 260 postes, et en mathématiques 343 postes. Pourtant, il y avait au départ plus de 4500 candidats inscrits. Mais seuls 2280 se sont présentés pour passer les épreuves, et le niveau académique de la plupart d’entre eux devait être bien médiocre. Là encore, l’Education Nationale récolte ce qu’elle a semé, et la France est privée des fruits qu’elle serait en droit d’attendre. Les chiffres se lisent ici.

L’agrégation, qui ouvre plus de perspectives que le CAPES, entre autres celle de travailler dans le supérieur, n’attire guère plus : sur les 457 postes ouverts au concours en mathématiques, 183 n’ont pas trouvé de destinataire, et seuls 14 des 40 postes de musique ont été pourvus. Cela laisse songeur en ces temps de crise et de chômage, et cela en dit long sur la formation reçue en amont par les candidats, issus des rangs de l’école française.

Qu’en est-il des mouvements de personnels en poste ?

Nous sommes en plein mouvement de mutations, tant dans l’enseignement public que dans l’enseignement privé.

Prenons l’exemple de l’Académie de Nantes. Pour la prochaine rentrée et pour le seul département de la Loire-Atlantique, en lettres, classiques et modernes confondues, plus de 100 postes sont vacants ou susceptibles de l’être dans le secondaire privé sous contrat, ce qui concerne donc près de 400 classes, soient environ 12 000 élèves sur les 40695 élèves scolarisés dans les collèges ou lycées privés du département. Une partie de ces postes est à l’heure actuelle vacante, et l’autre est occupée par des enseignants qui aimeraient partir ailleurs. Si ces enseignants obtiennent satisfaction, leur poste sera donc libre, c’est-à-dire vacant. Quand on voit le déficit de professeurs au niveau national, on ne peut pas imaginer que tous ces postes soient pourvus à la prochaine rentrée, loin s’en faut.

En mathématiques, pour le même département, la situation est similaire, voire pire. Une centaine de postes passe au mouvement, de manière à trouver repreneur… La liste des postes vacants ou susceptibles de l’être se consulte ici. Peu de disciplines sont épargnées par cette pénurie, qui touche de la même manière les autres départements, comme le prouve la liste vertigineuse des postes vacants ou susceptibles d’être vacants en mathématiques dans l’Académie de Paris. En Indre et Loire, où la culture scolaire est différente et moins favorable à l’enseignement privé, 31 postes sont proposés au mouvement en lettres, pour les 30 établissements du département… En ces temps de chômage massif, les écoles sont vides et cherchent désespérément des professeurs voulant se mettre au service de la jeunesse du pays : quel paradoxe !

On comprend peut-être mieux l’obsession du gouvernement pour les nouvelles technologies : il faudra bien remplacer par des ordinateurs et des vidéo-conférences ces professeurs qu’à coup de réformes ineptes et incessantes, de mépris et de salaires gelés, on a fait fuir des salles de classes.

Gauvin Burriss, docteur es lettres et professeur agrégé de lettres classiques

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