16 décembre 2012

Vincent Peillon fait primer l’éducation sur l’instruction, une interview d’Anne Coffinier dans JOL

Après cinq mois de travail, le projet de loi sur la refondation de l’école est prêt. Ce projet, qui devait être présenté au Parlement fin novembre, le sera finalement début 2013, après avoir été adopté en Conseil des ministres fin janvier. Anne Coffinier, directrice générale de la Fondation pour l’école, explique au média en ligne JOL comment le Ministre a choisi de faire primer l’éducation sur l’instruction et pourquoi il est grand temps, selon elle, de dépolitiser l’école.

JOL Press : Qu’est ce qui vous paraît le plus important dans le projet de Vincent Peillon ?

Sur la forme

Anne Coffinier : Le texte en lui-même appelle, il me semble, quelques commentaires : très long – comme l’était aussi la loi d’orientation et de programme pour l’avenir de l’école conçue par François Fillon en 2005 – ce texte illustre parfaitement la tendance française à l’inflation juridique, si bien dénoncée par Jean Foyer et Jean Carbonnier. Cet excès de textes étouffe les professeurs plus qu’il ne leur apporte de solution. À mon sens, le monde de l’enseignement aurait au contraire besoin d’un cadre juridique allégé, recentré sur l’essentiel et respectant ses libertés.

Le projet de loi comprend trop de modifications de façade qui compliquent inutilement la situation : à quoi bon par exemple rebaptiser des organismes existants comme les IUFM  qui deviennent des ESPE (Écoles supérieures du professorat et de l’éducation), ou le haut conseil à l’éducation qui sera transformé en conseil national d’évaluation du système éducatif ?

Le gouvernement a aussi cédé à une autre tentation bien française : la création de nouveaux observatoires. Comme si l’on en avait pas assez ! Cela me fait penser à une blague que l’on racontait à l’Ena : « Une équipe d’aviron qui perdait régulièrement  en compétition décida de nommer un observateur de l’équipe (donc une personne qui ne ramerait plus tout en continuant à peser son poids dans le bateau) pour trouver la solution. Et comme cette décision entraînait une défaite encore plus cuisante la course d’après, on décidait d’instituer un deuxième rameur qui observerait l’observateur, etc. » Ici, c’est tout comme. On aura donc de nouveaux comités Théodule, comme aurait dit de Gaulle : le Conseil supérieur des programmes, l’Institut des hautes études de l’éducation nationale (sans parler de  l’observatoire de la laïcité, dont la création a été annoncée en dehors de ce projet de loi).

Ce projet de loi comporte  de surcroît des éléments trop disparates, voire contradictoires entre eux. On y trouve des pétitions de principes (cf. l’article 1 qui annonce notamment que « Le service public de l’éducation est conçu et organisé en fonction des élèves et des étudiants pour favoriser leur réussite scolaire », ce qui est toujours mieux qu’un service public qui ignorerait les élèves et chercherait à leur faire échouer leurs études !) aux côtés de réformes emportant des effets juridiques contraignants, comme la suppression par l’article 33 de la loi Cherpion qui autorisait l’apprentissage à 14 ans.

Plus grave, la loi d’orientation et de programmation, malgré son nom, ne donne pas une vision d’ensemble sur les réformes que le ministre Peillon entend mener durant la législature. Elle n’est qu’ « une étape destinée à être complétée par de nombreuses autres actions », selon l’annexe du projet de loi. Ainsi, le ministre, quelques jours à peine après la diffusion du projet de loi d’orientation, a déjà annoncé des réformes majeures qui ne sont pas du tout présentes dans le projet de loi, alors qu’elles nécessiteront une intervention du législateur. Il a ainsi dit qu’il entendait réformer le statut des professeurs. Par ailleurs, la création prochaine d’un observatoire de la laïcité a été annoncée le 9 décembre dernier, pour ne citer que deux exemples. Bref, cette loi n’est pas à proprement parler une loi d’orientation et de programmation. Voici pour la forme. […]

Sur le fond

Sur le fond, le projet de loi de programmation n’est pas cohérent par rapport aux annonces du ministre. Je prendrai deux exemples.

La priorité que le ministre dit vouloir accorder au primaire ne se traduit qu’à travers des embauches et l’annonce floue du principe « plus de maîtres que de classes ». On ne sait pas s’il y aura des groupes de niveaux, des maîtres itinérants pour aider les élèves en difficultés, si le choix sera fait de réduire la taille des classes… La transformation de la formation initiale des professeurs n’est pas davantage compréhensible, au-delà du changement de nom de l’organisme de formation et du rappel de l’importance des stages et de la formation pratique.

La suite de l’interview est ici.

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