7 juin 2018

[Pédagogie Montessori] Regards croisés sur le succès de la pédagogie Montessori

Comment expliquer le succès croissant des écoles -et collèges !- Montessori en France ? Le JDD a interrogé des créateurs d’établissements, la Fondation pour l’école, des parents d’élèves, l’organisation Montessori France… Regards croisés sur un phénomène qui prend de l’ampleur et gagne en maturité.


Ecole : pourquoi la méthode Montessori séduit de plus en plus

Les établissements privés pratiquant la pédagogie Montessori attirent toujours plus de familles aisées. De la maternelle au lycée, les enseignants y cultivent bienveillance, autonomie et créativité.

A Bailly dans les Yvelines, un élèves découvre les maths seul, à son rythme.

A Bailly dans les Yvelines, un élèves découvre les maths seul, à son rythme.  (Jérôme Mars pour le JDD)

L’immeuble cossu, situé à deux pas de l’esplanade des Invalides, a longtemps abrité l’antenne parisienne du Festival de Cannes. Depuis le mois de septembre 2017, il accueille, sur six étages, une école Montessori bilingue. Une nouvelle classe ouvrira après l’été et, à terme, l’établissement, censé grandir avec ses élèves, deviendra aussi un collège.

À sa tête, Alexia Lieske, 36 ans, chef d’entreprise dans l’immobilier, héritière d’une dynastie de gestionnaires de fortune, donne plus l’impression, avec sa nouvelle aventure, de vouloir rendre des gamins “heureux, autonomes et créatifs” que de faire des profits.

Le boom des écoles Montessori, privées mais non confessionnelles et en majorité hors contrat (sans subventions publiques), s’accélère. À chaque rentrée depuis six ou sept ans, on voit fleurir des maternelles dans les réserves à CSP + que tendent à devenir la capitale ou les départements des Hauts-de-Seine et des Yvelines, mais aussi dans certains départements ruraux, comme la Corrèze ou la Corse et même en Guadeloupe. Ces temps-ci, c’est le nombre de collèges qui augmente.

D’après le ministère de l’Éducation nationale, 240 établissements revendiqueraient cette pédagogie mise au point, au début du siècle passé, par la psychiatre italienne Maria Montessori. Selon la Fondation pour l’école, porte-parole du secteur hors contrat, 25 nouvelles structures ouvrent chaque année leurs portes. Sans parler de tous ces enseignants du public qui se forment, souvent à leurs frais, pour importer en catimini cette méthode au sein de l’Éducation nationale.

Le succès des écoles privées, dopé par le désir d’échapper à celles du quartier classées en REP (réseau d’éducation prioritaire) ou d’un apprentissage plus précoce de l’anglais, ne surprend pas Anne Coffinier, directrice générale de la Fondation : “Elles innovent, développent la créativité des enfants. Elles coopèrent avec les familles sans crispation.”

Une méthode contre les inégalités

Durant plusieurs mois, les plus jeunes y apprennent à presser des oranges pour affiner leur motricité ou à verser de l’eau d’un pot dans un autre. Les enfants âgés de cinq ou six ans découvrent, eux, le plaisir solitaire de la lecture, en touchant des lettres rugueuses, ou celui de compter, en manipulant un boulier. “C’est un apprentissage très sensoriel, dont les bénéfices ont été validés par les neurosciences”, souligne Diane Vandaele, coordinatrice de l’association Montessori de France. “Des études comparatives menées aux États-Unis ont montré qu’il réduisait les inégalités scolaires.”

“On accompagne l’enfant sans faire à sa place. On le considère vraiment comme une personne”

Dans le monde merveilleux de “Maria” – c’est ainsi que les éducateurs Montessori appellent la pédagogue –, les élèves partent du réel ; ils apprennent à travailler seuls et à leur rythme, à s’auto-corriger mais aussi à mener des projets en commun. En CE2, la fille de Laurent Berlioz a ainsi elle-même appelé les parents de ses copines pour organiser une sortie. Le père, chaperon des séjours en classe découverte, se sent désormais imprégné par l’esprit Montessori : “On accompagne l’enfant sans faire à sa place. On le considère vraiment comme une personne.” Ou comment faire du “Maria” sans le savoir. “Ils n’ont rien compris, je n’ai pas découvert un mode d’emploi mais l’enfant”, disait ainsi la psychiatre en parlant de ses détracteurs.

L’accent sur la bienveillance

Auteure de nombreux livres sur la méthode et fondatrice de plusieurs établissements, Sylvie d’Esclaibes estime que l’accent mis sur la bienveillance, un des concepts centraux de la pédagogie montessorienne, explique la vogue actuelle. “Chez nous, on ne dira jamais d’un élève qu’il est trop lent ou bon à rien”, soupire celle qui reçoit souvent des SOS de parents dont les enfants sont atteints de phobie scolaire, harcelés par leurs camarades ou traumatisés par un enseignant.

Mais ce genre de dérive n’est pas l’apanage de l’Éducation nationale. Au tribunal de Villefranche-sur-Saône, le procureur a requis fin avril huit mois avec sursis contre la directrice d’une école Montessori du Beaujolais pour des siestes dans des WC, de la nourriture froide et des récréations imposées par 0 °C… Si les professionnels du secteur jurent que les dérapages restent exceptionnels, ils sont nombreux à pointer l’absence de matériel adéquat dans certains établissements, le piètre niveau de certains éducateurs ou la pression à laquelle ils sont soumis.

“Même avec des frais de scolarité allant de 4.000 à 10.000 euros, l’équilibre financier des structures est précaire”, relève Anne Coffinier. Un handicap qui peut se transformer en atout, selon la directrice de la Fondation pour l’école : “Le bouche-à-oreille sert de régulation : les mauvaises écoles ferment assez vite.”

 

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