13 mai 2012

Les normes de sécurité et d’accessibilité, ou l’art de tuer les écoles libres avec de bons sentiments

Qui est contre la sécurité des enfants ? Qui est contre l’accès des enfants handicapés à toutes les parties d’un établissement scolaire ? Il faudrait être suicidaire pour être contre les normes de sécurité, elles qui sont le fruit de la sollicitude de la puissance publique, et qui découlent de la volonté louable de protéger les enfants contre les dangers et d’intégrer les enfants handicapés dans la vie scolaire le plus normalement possible. Pourtant, les normes tuent. Il ne passe pas un mois sans qu’elles ne fassent une victime. Ces victimes sont les établissements d’enseignement privés. De ceux qui ont scolarisé sans problèmes des générations d’enfants, qui ont rendu service des années durant, qui ont été construits avec l’argent de tous ces gens qui se sont sacrifiés financièrement pour eux. Peu importe, on les fermera. La sécurité l’exige – « RT 2015 » oblige ! 

Quel maire prendrait la responsabilité de maintenir ces établissements alors que la commission de sécurité a déclaré qu’ils n’étaient plus aux normes? Le scénario s’est répété des centaines de fois ces dernières années. Une commission de sécurité passe, décrète que les locaux ne sont plus aux normes: il faudrait construire un ascenseur pour que les enfants handicapés puissent aller à tous les étages ; il faudrait créer des WC handicapés ; il faudrait mettre les couloirs et les portes aux normes (bref, élargir le tout de quelques centimètres) ; il faudrait créer des rampes d’accès (cf. notre Guide des règles techniques applicables aux établissements scolaires, 208 p., éditions Créer son école) La logique est qu’un enfant handicapé doit pouvoir se déplacer dans l’intégralité des locaux, sans avoir besoin de personne. Ainsi, il est jugé irrecevable qu’il ait besoin d’un camarade pour pousser son fauteuil sur une pente d’accès un peu raide. De même, il est jugé insupportable d’installer sa salle de cours au rez-de-chaussée pour éviter d’avoir à créer un ascenseur et de mettre les étages aux normes handicap. Ainsi, les établissements sont conduits par la loi à faire des travaux astronomiques pour se préparer à l’éventualité d’avoir à accueillir un enfant handicapé moteur. La facture s’élève souvent à un, deux, voire trois millions. La conséquence est alors connue d’avance : l’école privée fermera faute de pouvoir se mettre aux normes. Pour n’avoir pas pu réaliser des travaux qui auraient pu permettre d’accepter dans des conditions optimales d’éventuels élèves handicapés, chaque année des dizaines d’établissements privés mettent la clé sous la porte.

Quel paradoxe incroyable ! A quelle justice cela répond-il ? Savez-vous aussi que des établissements qui accueillaient des enfants handicapés ont dû fermer et renvoyer leurs élèves handicapés d’où ils venaient parce qu’ils ne respectaient pas les normes handicap? Ces normes étaient légitimes dans leur intention initiale ; mais poussées trop loin et constamment revues à la hausse, elles sont peu à peu devenues indéniablement liberticides. Il fut une époque où l’on fermait les écoles libres en interdisant à leur personnel religieux d’enseigner. Nous sommes à présent dans une situation où l’on fait fermer les écoles à coup de commissions de sécurité. Mais qui osera toucher aux normes de sécurité et d’accessibilité ? Il faut dire que ces normes ont de nombreux défenseurs. Ils sont nombreux les cabinets de consultants, les entreprises en bâtiment, les organismes de certification… qui vivent de ce business des normes. Dans les établissements publics, les collectivités locales paient sans sourciller les mises aux normes mais dans les établissements privés où le financement public du bâtiment est très contraint (voire interdit dans certains cas) par la loi, la mise aux normes équivaut à un arrêt de mort. Aussi, lorsqu’un rectorat ou une direction diocésaine veut faire fermer un établissement privé, la recette est simple : diligenter une commission de sécurité et lui demander d’écrire son rapport sans ménagement. Le résultat est assuré. La voie de la rationalisation budgétaire est ouverte. La mort de l’établissement scolaire peut être proclamée en toute bonne conscience. Pensez-vous, il y va de la sécurité des enfants ! C’est encore ce qui s’est passé fin avril au Mayet-en-Montagne dans l’Allier. Le directeur diocésain vient de déclarer la fermeture prochaine de l’école Notre -Dame et du collège Saint-Joseph (internat). Motif : l’impossibilité de financer l’indispensable mise aux normes s’élevant à un million d’euros alors que l’établissement ne scolarise qu’une centaine d’enfants. Les parents se sont mobilisés, scandalisés par la perspective de la fermeture de cet établissement qui a rendu tant de bons et loyaux services et sauvé plus d’un enfant. Du coup, la communauté de communes a proposé de racheter l’établissement à l’euro symbolique, de réaliser les investissements requis et de louer ensuite les locaux à l’école catholique de manière à assurer la continuité du service public aux familles. Le montage est astucieux bien qu’inédit. Si le directeur diocésain ou le directeur de l’établissement s’y oppose, la responsabilité de la mort de l’établissement pourra lui être facilement reprochée. S’il accepte, il se fait le collaborateur d’une quasi « nationalisation » de l’école catholique, laquelle passerait de propriétaire à locataire, alors que des générations de sacrifice de la société civile ont permis de construire et maintenir cette institution.

Avec la crise économique et budgétaire que nous vivons en 2012, pouvons-nous vraiment nous permettre de telles normes ? A l’heure où il faut encourager l’initiative pour relancer l’économie, en particulier dans le domaine social, n’est-il pas urgent de revenir à plus de raison ? Oui, il faut protéger les enfants des risques possibles, mais il faut aussi savoir que la meilleure des protections passe par leur éducation plus que par une escalade des normes.

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