19 février 2021

La Fondation interrogée par Le Parisien à propos du Bac 2021 dans les lycées indépendants

«On a peur pour nos élèves»: les lycées privés hors contrat veulent aussi un bac avec contrôle continu

Si les premières épreuves de spécialité ont été annulées au profit du contrôle continu dans les lycées publics, aucune décision n’a encore été évoquée concernant les écoles hors contrat. Certaines pointent le danger d’un «bac à deux vitesses» pénalisant leurs élèves.

18 février dans Le Parisien

« On avance dans le flou total », résume, Zoé, 17 ans. Comme elle, de nombreux lycéens scolarisés dans un établissement hors contrat peinent encore à connaître les contours de leur futur baccalauréat. Car si le gouvernement a annoncé que les premières épreuves de spécialité seraient annulées au profit du contrôle continu dans les lycées publics, aucune décision n’a encore été évoquée concernant les structures privées hors contrat. « Les modalités ne sont pas encore arrêtées, mais elles devraient bientôt être connues », précise-t-on au ministère de l’Éducation, sans donner plus de détails.

En attendant, Zoé, prépare « dans le stress » son épreuve de littérature et d’arts, prévue d’ici quelques semaines. « C’est quand même incroyable que l’Éducation nationale ne juge même pas utile d’aborder notre cas. On essaie de réviser, d’avancer dans le programme mais on ne sait même pas si l’épreuve aura lieu. Dans ma classe, on a tous peur d’être considérés comme la génération Covid qui aura gagné son bac à la loterie. Du coup, on est tous épuisés, stressés et paumés… », soupire la lycéenne.

Vers un « bac à deux vitesses » ?

Les élèves attendent le début de la première épreuve écrite de philosophie dans le cadre du baccalauréat dans une école parisienne le 15 juin 2017.

Les élèves attendent le début de la première épreuve écrite de philosophie dans le cadre du baccalauréat dans une école parisienne le 15 juin 2017. AFP/Martin Bureau

Zoé n’est pas la seule dans ce cas. À ce jour, les 1500 écoles hors contrat recensées en France accueillent 85 000 élèves sur les 12,4 millions d’inscrits, selon le ministère de l’Education nationale. Mais s’ils restent minoritaires, leur situation mérite d’être tout autant considérée, martèle le corps enseignant. « On a l’impression que les élèves hors contrat vivent dans un monde à part et ne sont pas touchés par la crise ! Pourtant, ils sont inscrits dans des établissements légaux, encadrés et inspectés », insiste Titiane Salleron, directrice juridique à la Fondation pour l’école, représentant les écoles hors contrat. Le refus d’un contrôle continu pour ces élèves pourrait créer un « bac à deux vitesses », les pénalisant considérablement, estime la juriste.

« Vu comme c’est parti, nos élèves devront passer toutes les épreuves du tronc commun (histoire-géo, enseignement scientifique, langues) et certaines spécialités en juin, tandis que ceux inscrits dans le public ou dans le privé sous contrat n’auront qu’à préparer la philosophie et le grand oral. Un peu déséquilibré non ? Les élèves du public pourront consacrer tout leur temps à ces deux épreuves et auront ainsi plus de chances d’obtenir de meilleures notes tandis que ceux hors contrat crouleront sous le travail », juge Titiane Salleron.

« On est très inquiets pour nos élèves »

Pour certains enseignants, cette absence de décision de la part du gouvernement ne fait que « stigmatiser » des élèves, qui pour certains, rencontrent déjà des difficultés. « Entendons-nous bien : leur faire passer les épreuves en juin ne sera pas un problème, mes élèves seront prêts. Mais on ne peut pas dire d’un côté,’on n’autorise pas les examens car c’est trop dangereux’et de l’autre, laisser des élèves prendre ce risque », conteste Loïc Depalle, professeur de mathématiques et directeur de l’école privée Maigret, dans le XVe arrondissement de Paris.

« Certains souffrent de troubles (dyslexie, dyspraxie) et vont dans des écoles hors contrats justement car le système public comme il a été pensé, ne leur convient pas. Ils ont besoin d’un soutien particulier, d’être encadrés en petits groupes. Aujourd’hui, non seulement ces élèves sont rejetés du public, mais ils le sont encore lorsqu’on leur refuse de passer le bac comme les autres. C’est injuste pour eux », complète le directeur.

Autre problème soulevé, la tenue d’épreuves écrites pourrait mettre à mal la neutralité dont doivent faire preuve les examinateurs. « Puisque les élèves hors contrats seront quasiment les seuls à passer ces épreuves, cela remettra en cause tout le principe de neutralité ! Les examinateurs sauront d’où viennent les copies, ce qui ne nous rassure pas. Car il y a toujours une guéguerre entre le public et le privé. On se dit que le jury devra examiner des copies de lycéens sur qui il peut déjà avoir des a priori. Bref, on est très inquiets pour nos élèves », souligne Loïc Depalle.

« La liberté d’enseigner se paie très cher »

Voulant faire bouger les lignes, l’enseignant a fait écrire à ses classes de Terminale une lettre à destination des députés, leur réclamant la tenue d’un examen « respectant le principe d’égalité ». « Ils ont écrit avec leurs mots, en expliquant par exemple, qu’être un élève hors contrat ne les protège pas du Covid et qu’ils veulent eux aussi avoir les mêmes chances que les autres et être protégés », rapporte le professeur. Après avoir « inondé des centaines de boîtes mails », aucune réponse ne leur a encore été transmise. « Oh, on ne se berce pas d’illusions vous savez… », souffle Loïc Depalle.

L’an dernier pourtant, le gouvernement avait finalement accepté que les lycéens hors contrat passent aussi leur bac en contrôle continu, comme les autres élèves. Une décision qui avait été tranchée alors que le ministre de l’Éducation Jean-Michel Blanquer avait évoqué dans un premier temps la tenue d’épreuves en septembre, provoquant un tollé chez les professeurs. « Le contrôle continu avait bien fonctionné l’an dernier. On ne comprend pas pourquoi il serait difficile de le mettre à nouveau en place aujourd’hui. Le ministre pense sans doute qu’on ne peut pas tout avoir, et que la liberté d’enseigner se paie malheureusement très cher… », conclut Titiane Salleron.

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