19 septembre 2011

Au royaume des écoles indépendantes…

Une public school écossaisePourquoi les écoles indépendantes représentent-elles en Écosse la référence éducative incontestée ?  Pourquoi sont-elles si chères ? Qu’y recherchent les parents aujourd’hui ? Autant de questions qu’Anne Coffinier, DG de la Fondation pour l’école, est allée poser à son homologue écossais, Mr John Edward, chairman du SCIS (Scottish Council of Independent Schools). 

Quelle est l’origine des écoles indépendantes écossaises ?

Il y a en Écosse une très grande variété d’écoles indépendantes (appelées Public schools). Chacune a sa propre histoire. Citons The High School of Dundee qui a ouvert ses portes en 1239, ou Hamilton College créé il y a 28 ans. Les écoles les plus anciennes ont été fondées par l’Église. Aux XVII et XVIIIe siècles, plusieurs négociants écossais ont ouvert des collèges caritatifs comme George Heriot’s school à Edimbourg. Le XIXe siècle a vu la création d’une grande partie des écoles indépendantes en Écosse, quand la révolution industrielle a permis l’émergence d’une classe moyenne qui a voulu donner à ses enfants une éducation classique et formelle. La dernière vague de création remonte aux années 1970. À cela d’ajoutent 20 écoles spécialisées pour les enfants handicapés ou à besoins spécifiques.

En quoi se différencient-elles des autres écoles écossaises ?

Par leur autonomie : elles choisissent leurs programmes, les sports pratiqués, les examens présentés, leur façon d’enseigner la musique (qui occupe toujours une place importante) ou d’organiser les activités extrascolaires. Les écoles indépendantes sont aussi libres de leur recrutement et de leur politique d’investissement. L’une des conséquences est qu’elles ont un lien très fort avec les familles, qui s’investissent beaucoup, mais attendent aussi beaucoup en retour en matière de discipline et d’exigence académique.

Pourquoi sont-elles si chères et comment les familles parviennent-elles à payer les scolarités ?

Les coûts correspondent seulement aux frais de fonctionnement et d’entretien (d’autant que nombre d’écoles sont logées dans des bâtiments historiques classés), et certainement pas à une recherche de profit. Toutes ces écoles sont des charities à but non lucratif. Ce sont les parents ou grands-parents qui paient les frais de scolarité même si plus de 36 millions d’euros de bourses privées (couvrant de 10 à 100 % de la scolarité) sont octroyées chaque année aux enfants des écoles indépendantes soit en moyenne 1 125 euros par enfant et par an. À noter que les enfants de pasteurs et de militaires ont des scolarités à prix réduit. De nombreux produits d’épargne sont également proposés dès la naissance de l’enfant pour aider les familles à s’organiser financièrement.

Qu’est-ce qui fait l’excellence de votre modèle éducatif ?

 De toute évidence, les excellents résultats aux examens et l’aide à l’orientation proposée, mais aussi l’attention pour chaque élève qui découle du fort ratio professeur/élèves et la grande palette de matières d’étude et d’activités extrascolaires possibles. De même, l’abondance du corps professoral permet d’offrir quasiment en temps réel une aide aux enfants qui en ont besoin, de sorte que chaque enfant peut vraiment réussir, quelles que soient ses capacités individuelles. Les fortes traditions extrascolaires des écoles indépendantes attirent aussi beaucoup : le rugby, les cadets des forces armées, et d’autres formes de volontariat comme les pompiers, les sauveteurs de montagne ou les gardes-côtes à Gordonstoun School. Autant de forces qui découlent de notre autonomie qui nous en donne les moyens.

Quelles sont les critiques formulées à l’encontre des écoles indépendantes ?

La critique traditionnelle est la critique de l’élitisme académique et de la barriere financière à l’accès à l’excellence éducative. Mais les choses sont en train de changer avec la nouvelle législation sur les charities. Par ailleurs, il est clair qu’aucune école n’ira s’excuser de chercher à développer au mieux les talents académiques ou extra-académiques de ses élèves, même si cela doit coûter très cher. En définitive, les règles sont claires et le choix ultime revient aux familles, qui choisissent de faire ou non des sacrifices financiers.

Qui choisit les directeurs et sur quels critères ?

Chaque école est dirigée par un Conseil d’administration qui recrute le directeur, souvent à l’aide d’un cabinet de chasseur de têtes. Maintenir un sens de la continuité tout en réalisant les modernisations nécessaires à l’avenir de l’école requiert des qualités professionnelles exceptionnelles.

Comment font les écoles pour attirer, former et fidéliser les meilleurs professeurs d’Écosse ?

Si certaines écoles paient plus que les écoles publiques, ce qui attire les professeurs est surtout l’environnement éducatif favorable qu’ils y trouvent. Les professeurs débutants ne sont pas livrés à eux-mêmes mais tutorés. Ensuite, tout au long de leur carrière, les enseignants bénéficient de formations professionnelles continues très fréquentes.

Comment gérez-vous les différences de niveaux des élèves d’une même classe ?

C’est le ratio élevé professeurs par élève qui permet de relever ce défi en nous permettant de pousser davantage les plus doués tout en soutenant ceux qui en ont besoin, que ce soit dans la classe, souvent subdivisée en groupes de niveaux variant selon les matières, ou lors de cours particuliers donnés au sein de l’école.

Les écoles se focalisent-elles sur les résultats académiques ? Comment envisagent-elles leur mission éducative ?

Les résultats aux examens sont une étape très importante pour la suite des études mais il ne s’agirait pas d’en faire le seul critère de réussite en matière d’éducation. À titre d’illustration, voici le texte intégral de la charte d’objectifs d’une de nos écoles, qui représente bien l’éthique du secteur indépendant :

Nos objectifs pour nos élèves

  • tirer profit de toutes les occasions d’apprendre et de valoriser leur scolarité ;
  • se montrer positif, travailler beaucoup et toujours chercher à faire de leur mieux ;
  • se sentir en sécurité, en confiance, reconnu et heureux ;
  • être responsable et autodiscipliné ;
  • devenir des personnes ayant du caractère, de la confiance en soi, sympathiques ;
  • quitter le système scolaire en étant des citoyens réfléchis, extravertis, responsables à l’égard de l’environnement.

Nos objectifs pour l’encadrement 

  • promouvoir l’éthique de l’établissement ;
  • contribuer à honorer le contrat d’excellence de l’établissement ;
  • se sentir reconnu et soutenu dans son travail ;
  • montrer un haut niveau d’engagement, de motivation et de professionnalisme dans le travail.

 Nos objectifs pour les parents ou tuteurs

  • tenir toute leur place, aux côtés de l’école, dans l’éducation de l’enfant ;
  • sentir qu’ils sont des membres reconnus de la communauté scolaire, dont les avis et préoccupations sont écoutés et rapidement pris en considération. »

Les public schools écossaises en bref

75 écoles indépendantes scolarisant 32 000 élèves, soit 4,3 % des élèves écossais mais un collégien sur 6 à Edimbourg.

10 % d’élèves internes (boarding Schools)

7 000 personnes employées

9 élèves par professeur

Frais de scolarité moyens annuels en 2009 :

– primaire : 8 800 euros (20 600 euros pour les boarding schools)

– secondaire : 11 000 euros (27 690 euros pour les  boarding schools)

NB : À titre de comparaison, la scolarité à HEC coûte aujourd’hui 9 000 euros/an !

Performances académiques : en dernière année, par exemple, 46 % obtiennent leur Advanced Higher avec la plus haute note (A) contre 27 % au plan national.

Pour aller plus loin

www.merchiston.co.uk

www.fettes.com

www.edinburghacademy.org.uk

www.scis.org.uk

Article paru dans Les Chroniques de la Fondation, n° 5, février 2011

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