15 juillet 2018

[Reportage] Une école hors contrat dont le coeur du projet repose sur la Recherche

Hors contrat, mais au cœur de l’innovation : les écoles indépendantes sont de puissants facteurs d’expérimentation, de véritables terrains d’innovation pédagogique, dont les fruits pourraient bénéficier à l’ensemble du système éducatif en France, privé comme public. A lire, le reportage du Magazine UP dans la première “Lab School” de Paris -ce système fonctionne déjà très bien à l’étranger-, avec une interview de sa fondatrice Pascale Haag, qui ne cache pas sa volonté de développer son modèle.


ÉDUCATION – Nous avons visité la Lab School, une école qui pratique une pédagogie alternative, à Paris, en présence de sa fondatrice.Fin juin 2018, la Lab School, dans le quartier de Strasbourg – Saint-Denis, à Paris, vivait la première fin d’année scolaire de son existence. La première d’une expérience inédite en France, qui consiste à associer à une école une équipe de chercheurs. Dans cet établissement accueillant 26 élèves de niveaux CE2 à CM2, la part belle est faite à des pratiques pédagogiques dont « la recherche a démontré qu’elles fonctionnent », selon la fondatrice de la Lab School, Pascale Haag. Parmi ces pratiques, il y a par exemple le « tutorat par les pairs », qui permet aux enfants de partager entre eux leurs connaissances, mais aussi une approche « multi-niveaux » pour que chaque enfant au sein d’un groupe puisse évoluer à son rythme au milieu des autres. À la Lab School, on s’inspire des pionniers de l’innovation pédagogique, comme Maria Montessori ou Célestin Freinet, mais aussi sur « des recherches plus récentes », précise Pascale Haag, qui rappelle que « le numérique a bouleversé nos vie », et donc l’éducation.

La Lab School est une école privée, hors contrat (il n’est pas possible d’obtenir l’agrément avant 5 ans d’existence). Pour autant, assure Pascale Haag, « tout ce qu’on fait ici peut se transposer ailleurs, et nous enseignons le socle commun de l’éducation nationale ». En général, les matinées sont dédiées aux apprentissages des fondamentaux et les après-midi à des activités scientifiques et artistiques. L’une des grosses différences notables avec les écoles classiques est qu’à la Lab School, il y a deux enseignantes pour moins de 30 élèves. De même, « toute l’équipe est en accord sur le projet pédagogique », ce qui, là encore, n’est pas toujours le cas dans le public. De plus, les enseignements se font en anglais, dans le but « d’ouvrir les enfants sur le monde ». Le coût normal de la scolarité est de 840 euros par mois, sur 10 mois, mais il y a des tarifs dégressifs en fonction du revenu des parents. 6 élèves ont obtenu des bourses pour suivre cette scolarité alternative grâce à l’aide financière de fondations.

En classe, des projets et du vivre-ensemble

Le jour où nous visitons l’école, les élèves participent l’après-midi à un projet d’écriture appelé « Mon livre Calamagui », avec une intervenante extérieure, Sarah Brossolette. Il s’agit de réaliser, par binôme, au cours de plusieurs séances hebdomadaires, des textes et illustrations pour créer un livre, autour d’une fiction qu’ils imaginent. « Ici, nous travaillons beaucoup par projets. Par exemple, aujourd’hui, faire un livre, plutôt qu’une rédaction ou des exercices de conjugaison, permet de comprendre pourquoi il est important de savoir écrire », explique la fondatrice de l’école. Les enfants sont installés librement dans la salle, autour d’ordinateurs portables. Ils reprennent leurs travaux respectifs dans une ambiance joviale. Les thématiques choisies sont variées : des histoires de Samouraï, crayon magique, cow-boys, mais aussi une fiction autour de Martin Luther King. Sarah et les institutrices, Pauline et Frédérique, passent parmi les groupes pour les aider. Les élèves circulent librement dans la classe et n’ont pas besoin de demander la permission pour aller aux toilettes.

À l’issue de cette séance d’écriture, la journée d’école se termine par un « conseil ». Lors de ce moment, les institutrices et les élèves font le bilan de la journée et peuvent revenir sur des événements qui se sont passés dans la journée. Ce jour-là, par exemple, il y a eu un accrochage entre plusieurs élèves car une enfant a fait tomber accidentellement un plat à la cantine. « Ce que j’ai vu de positif aujourd’hui, c’est qu’on a bien travaillé ce matin. Mais j’ai du mal à entendre des gens qui parlent mal des autres », introduit Pauline. Un élève est chargé de distribuer la parole parmi ceux qui souhaitent s’exprimer sur le sujet. « Je n’ai pas apprécié qu’elle ne s’excuse pas et qu’elle rit », dit l’un. « Peut-être qu’elle a ri parce qu’elle avait honte », remarque une autre, avec l’approbation d’autres. « Je n’aurais pas dû m’énerver », concède un élève. Ce moment permet aux enfants d’identifier et nommer leurs émotions, pour mieux avancer ensemble. C’est ce que l’équipe pédagogique appelle « développer ses connaissances transversales ». « L’école ne doit pas seulement apprendre à lire, à écrire et à compter. Elle doit aussi accompagner chaque enfant pour qu’il devienne un citoyen éclairé et épanoui », affirme Pascale Haag.

Vidéo de présentation de l’école :

Présentation de la Lab School Paris from LabSchool Network on Vimeo.

Un laboratoire pour l’Éducation

À côté de cette vie à l’école, c’est tout un projet de recherche qui a continué à se développer au cours de cette année. « Au départ, j’étais enseignante chercheure à l’EHESS, spécialiste de la grammaire sanskrite. Je me suis réorientée vers un doctorat en psychologie, avec une thèse qui m’a amené à m’interroger sur le stress dans le système éducatif », raconte Pascale Haag. « De là, j’ai eu envie d’apporter ma contribution à la recherche sur l’éducation, et j’ai créé le réseau Lab School Network. » Le but : fédérer des chercheurs et acteurs de l’éducation en organisant des rencontres et leur permettre d’échanger via une plateforme en ligne, autour de la création de cette « école pilote ». « L’objectif, à terme, est de devenir un lieu de formation pour les enseignants et d’essaimer », explique-t-elle. Il existe des Lab School fonctionnant sur le même principe dans d’autres pays, notamment en Amérique du Nord, mais c’est la première du genre en France.

« J’aurais rêvé que l’expérimentation se déroule dans le public. Il y a un réel intérêt du côté de l’Éducation nationale, mais cela prend du temps », poursuit-elle, espérant pouvoir continuer à avancer sur les liens avec Grenelle. En tout cas, cette année fut, selon ses mots, “une année intense, avec de belles rencontres, pleine d’expériences et de multiples occasions de préciser le projet et de l’affiner“.  Élargir aux autres niveaux, du CP au collège, fait notamment partie des prochaines étapes. Une grande partie des élèves de cette promotion retrouveront d’ailleurs les bancs de la Lab School l’an prochain, avec, par conséquent, l’ouverture d’un niveau 6e.

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