Paru le mardi 12 mai 2020, article reproduit avec l’aimable autorisation de @ToutEduc
Quelques jours avant le début du déconfinement, 70% des enseignant.e.s du 1er degré étaient « opposés à la réouverture progressive des écoles », tout comme près de 60 % des parents. Cette période de confinement a mis en évidence les inégalités entre les élèves (90 %), elle a rendu « tangible la nécessité d’un lien fort entre les familles et l’école (83%) et elle a renforcé la conviction qu’un travail en collectif est préférable (86%). Ce sont les principaux enseignements d’une enquête réalisée par Harris Interactive pour le SNUIPP-FSU fin avril et début mai sur un échantillon de plus de 7 000 enseignants « sur la base d’un fichier de contacts fourni par le SNUIPP » et sur un échantillon représentatif des Français âgés de 18 ans et plus.
La plupart des enseignants ont bien vécu le confinement au plan personnel, mais ils sont 8 sur 10 à avoir éprouvé des difficultés pour exercer leur métier, surtout les moins de 30 ans et ceux qui exercent en éducation prioritaire. Ils ont eu de bonnes relations avec leurs collègues, avec les parents et avec les élèves, mais un tiers d’entre eux qualifie d’ « inexistante » la relation avec l’administration. Ils sont moins de 3 sur 10 à déclarer qu’ils ont pu compter sur des logiciels ou des supports fournis par le ministère, ils se sont adaptés à la situation en allant chercher des ressources pédagogiques et en se formant en ligne par leurs propres moyens.
S’ils demandent une prime pour pouvoir s’équiper de matériel professionnel et si certains ont le sentiment d’avoir fait face seuls aux difficultés, « ils attendent surtout de la confiance de la part de l’institution afin de pouvoir s’organiser en autonomie ». Ils demandent tous ou presque la réduction des effectifs dans les classes, le développement des Rased et la mise en place d’une meilleure formation continue. Et ils sont inquiets (82%), voire très inquiets (49 %) lorsqu’ils pensent au retour en classe, des niveaux comparables à ceux des parents.
Pour Serge Pouts-Lajus, du cabinet de conseil Education & Territoire, « il n’est pas impossible que le numérique soit, pour un temps du moins, mis de côté » par les enseignants et les élèves, que le confinement a brutalement obligés à « se rassembler en ligne. »
Tribune. Lorsque le numérique commença à se diffuser largement, au début des années 2000, ce fut une surprise d’observer que les enseignants et les jeunes formaient les groupes sociaux parmi les plus vite engagés dans ces nouvelles pratiques. Seconde surprise : ils le faisaient de façon séparée, c’est-à-dire chacun de son côté.
Les professeurs s’équipaient plus que d’autres et exploitaient le réseau principalement dans l’arrière-plan de leur activité : préparation des cours, création de supports, formation et surtout participation à des réseaux d’affinité pédagogique et disciplinaire qui ont fait d’Internet, en quelques années, une immense salle des professeurs délocalisée.
Dans le même temps, les jeunes se retrouvaient de plus en plus nombreux sur des messageries instantanées, des jeux en ligne, des réseaux sociaux, mais aussi des sites de documentation et de création. Deux populations, proches dans la vie réelle, étrangères dans la vie numérique. Le monde de l’éducation n’est donc pas, contrairement à ce que l’on entend souvent, rétif au numérique. Mais, sur le réseau, les uns et les autres ne fréquentent pas les mêmes quartiers.
Chez les enseignants, c’est l’asynchrone, le régime du temps décalé qui domine. A l’inverse, les jeunes optent pour le temps immédiat, synchrone. Les compétences et les habiletés se sont logiquement ajustées à leurs pratiques. Les jeunes peuvent être ainsi et tour à tour perçus comme savants ou ignorants selon qu’il s’agit de gérer un groupe WhatsApp ou d’attacher un fichier à un mail. Et il en va de même, symétriquement, avec les enseignants.
Faire numérique commun
Mais voici donc la crise du Covid-19 qui les oblige tous, avec une brutalité inouïe, à changer ces habitudes, à faire numérique commun et à se rassembler en ligne, aux mêmes endroits. Plusieurs options se présentent alors. La première repose sur des services déjà installés et notamment sur les espaces numériques de travail (ENT), plates-formes de communication de la communauté éducative, qui ont l’avantage d’être largement diffusés dans les lycées, les collèges et, depuis quelques années, dans un nombre croissant d’écoles.
Submergés et souvent défaillants aux premiers jours du confinement, les ENT ont réussi à se mettre à niveau et se sont révélés bien adaptés au besoin principal du moment : maintenir le lien entre les enseignants, les élèves et les familles.
Simultanément, d’autres services en ligne apparaissent pour soutenir la continuité éducative. Le CNED ouvre par exemple une classe virtuelle. Des offres grand public de conférences en ligne ainsi que celles intégrées dans les réseaux sociaux, réputées plus efficaces et plus accessibles que les solutions institutionnelles, permettent à de nombreux professeurs de « faire cours » ou de réunir un groupe d’élèves sur de courtes périodes.
Les grands opérateurs internationaux, Google et Microsoft, étendent également leurs services aux communautés éducatives. Il est intéressant de signaler ici l’exemple de Discord, un service initialement utilisé par les joueurs en réseau pour communiquer pendant leurs parties et que certains professeurs ont rejoint pour dispenser leur enseignement.
Rutabaga et topinambour
Dans le bilan qui sera tiré des services rendus à l’éducation par le numérique pendant la fermeture des établissements scolaires, il faudra s’intéresser à la perception des professeurs et des élèves, contraints de faire « numérique commun » à haute dose. Deux facteurs de risque soulignés par de nombreux observateurs devront être pris en compte : l’aggravation inévitable des inégalités d’origine sociale, dont les professeurs ont évidemment conscience et qu’ils auront tenté par divers moyens de contenir ; le risque de pillage de données personnelles dont pourraient se rendre coupables certains opérateurs de services proposés gratuitement.
Mais d’autres risques peuvent être évoqués, comme ceux liés à la surconsommation de numérique. Quel souvenir garderont de ces heures passées face à l’écran celles et ceux, professeurs aussi bien qu’élèves, qui auront vécu cela comme une expérience désagréable, peut-être traumatisante ? Mais surtout quel souvenir en garderont les élèves qui n’auront pas eu accès aux moyens de la continuité numérique, qui ne sauront peut-être jamais ce qui s’est joué là sans eux mais en ressentiront très vite les effets ? La fin du confinement permettra de compter plus précisément ces déçus et ces fracturés.
Les opérateurs industriels espèrent déjà avoir apporté la preuve par les faits de l’utilité du numérique éducatif, avec des habitudes installées pour longtemps. Mais ils devront aussi compter avec celles et ceux qui auront souffert, soit de privation, soit d’indigestion numérique et en sortiront avec la nausée. Le retour à la normale rappellera d’abord à tous la valeur irremplaçable du collectif et de la présence physique.
A l’occasion de cette salutaire redécouverte, il n’est pas impossible que le numérique soit, pour un temps du moins, mis de côté ; comme l’ont été le rutabaga et les topinambours par nos parents et nos grands-parents auxquels ces délicieux légumes rappelaient les mauvais souvenirs de la guerre et de l’Occupation. Dans un premier temps, les usages du numérique se rapprocheront de ce qu’ils étaient avant la fermeture des établissements. Professeurs et élèves apprécieront de réduire le temps passé avec le numérique commun et de jouir à nouveau de l’entre-soi et du numérique choisi.
Il sera temps ensuite de tirer les leçons de cette expérience unique, de poser les bases d’un nouveau numérique commun, d’imaginer de nouvelles recettes pour accommoder le numérique éducatif qui feront oublier celles du temps de la privation.
Ce texte est paru dans « Le Monde de l’éducation ». Si vous êtes abonné au Monde, vous pouvez vous inscrire à cette lettre hebdomadaire en suivant ce lien.
Alors que la réouverture des établissements scolaires doit intervenir progressivement à partir du 11 mai, un collectif de plusieurs dizaines de chercheurs, enseignants, formateurs et acteurs associatifs propose, dans une tribune au « Monde », que les cours puissent aussi se faire à l’extérieur des établissements.
La cour d’une école primaire, à Clichy-sous-Bois (Seine-Saint-Denis), le 22 avril. LUDOVIC MARIN / AFP
Tribune. Le 11 mai, les enfants auront vécu confinés deux mois. Deux mois à manquer d’air et d’espace pour la plupart d’entre eux, deux mois aussi à regarder les écrans plus que d’ordinaire. Ils étaient déjà trop sédentaires, selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Les voilà maintenant quasi immobiles : en France, parcs, forêts et espaces verts en général ont été interdits d’accès pendant le confinement.
Il était pourtant possible de faire autrement. Ailleurs, comme en Autriche, tous ces espaces sont restés ouverts. Pour les enfants, principalement.
Pourquoi donc vouloir les remettre à l’intérieur des classes à partir du 11 mai, quand élèves et enseignants auront passé toutes ces journées enfermés ? Comment imaginer qu’ils pourraient se réjouir d’une telle perspective ? Parmi les quelque 16 millions d’enfants et leurs parents, et le million de professeurs, beaucoup ne semblent pas avoir envie de retourner dans des salles closes, autant nids à microbes que continuité du confinement.
Promiscuité ou lien avec la nature
Et si une autre solution existait ? Qui n’impliquerait pas la poursuite du confinement, mais l’usage de nouveaux espaces d’enseignement ? Les établissements scolaires ne disposent souvent pas d’espaces suffisants à l’intérieur pour permettre le respect des distances minimales recommandées. Les classes et les espaces de circulation sont trop exigus et entraînent des densités moyennes élevées et des situations de promiscuité.
En revanche, la plupart des communes disposent d’espaces extérieurs – jardins, parcs, stades, terrains de football, forêts, etc. Et si on s’en servait pour faire classe ?
Autrement dit, comme le recommandent déjà certains élus, pourquoi ne pas faire cours dehors ? Cela aiderait à protéger les enfants, les enseignants et les familles. A l’extérieur, le renouvellement de l’air permet de réduire le risque de contagion par aérosol. Cela permettrait aussi de renforcer le système immunitaire des enfants et des enseignants, ce qui est utile en période d’épidémie.
La démarche ne serait pas seulement sanitaire. De nombreux autres pays intègrent déjà, et dans certains cas depuis longtemps, l’importance du lien avec la nature et son rôle dans le développement de l’enfant dès sa naissance, mais aussi son intérêt pédagogique. Dans des pays, parfois en tête des classements internationaux comme PISA, les enfants profitent déjà largement des bienfaits des expériences régulières dans la nature.
Ainsi, les écoles en forêt où les jeunes enfants ont classe dans un espace naturel toute l’année existent depuis les années 1950 en Europe du Nord, et leur nombre explose quasiment partout dans le monde depuis une dizaine d’années. En 2010, l’Ecosse intègre l’apprentissage à l’extérieur au programme officiel, pour les enfants de 3 à 18 ans, et au Royaume-Uni, les enseignants sont encouragés à sortir avec leur classe, et formés pour faire évoluer leur posture et tirer profit de ces nouveaux espaces.
Ces jours-ci, au Danemark, les enfants retournent peu à peu à l’école. En plus des marquages au sol, des horaires aménagés et du lavage de mains toutes les deux heures pendant une minute, beaucoup d’élèves et d’enseignants découvrent les cours en dehors de la classe (en salle de gym, dans la cour, sur le parking de l’école, dans les parcs, etc.) « En temps normal, l’enseignement en dehors des murs est déjà pratiqué mais, en cette période de Covid-19, il est vivement conseillé », expliquait récemment dans la presse Rasmus Edelberg, le président de l’association danoise Ecole et parents.
« Le contact avec la nature nous fait du bien »
La reprise scolaire doit aussi permettre à nos enfants, qui vont arriver à l’école fatigués, énervés, stressés, de retrouver un accès à des espaces où ils puissent souffler, s’apaiser et s’émerveiller. Car le contact avec la nature nous fait du bien, c’est depuis des décennies un fait scientifiquement prouvé. Il est bon pour la santé physique et psychique, et favorise le développement cognitif, émotionnel et moteur des enfants.
D’autres études ont montré qu’enseigner dans la nature était aussi particulièrement efficace pour les apprentissages scolaires. De plus, les contraintes liées au bruit et à l’espace limité s’atténuent dans des espaces moins contraints et artificialisés, et avec elles le stress des enfants et des adultes, et les comportements agressifs.
Commencer à faire classe à ciel ouvert pourra contribuer aussi à l’épanouissement des enfants, en leur offrant l’espace, le calme et les possibilités de découverte et d’émerveillement dont ils ont besoin.
Comment mettre cela en place de façon aussi rapide ? Faire bouger l’éducation nationale en deux semaines ? En faisant comme pour les transports, alors que des grandes villes (comme Paris, Milan ou New York) se préparent à créer en quelques jours des kilomètres de voies cyclables temporaires et élargissent les trottoirs afin de permettre aux piétons et cyclistes de circuler de façon efficace en limitant au maximum les risques de contagion dans les transports en commun ?
Respecter les impératifs sanitaires
Bien sûr, ces pratiques à l’extérieur devront être effectuées en respectant les impératifs sanitaires et intégrer les gestes barrières. Il est possible de faire classe dehors, quel que soit l’âge des élèves. C’est possible dans les cours de récréation, qui peuvent être utilisées comme espace d’apprentissage à part entière, comme c’est le cas chez certains voisins comme le Royaume-Uni, mais aussi quelques écoles françaises.
Il est aussi possible de faire classe à proximité de l’école, que ce soit dans un jardin, un parc, une forêt, etc. Les stades et tout autre espace public extérieur pourraient également être utilisés. Est-ce faisable ? Tout à fait.
Des centaines d’enseignants dans le public en France pratiquent déjà la classe dehors régulièrement, certains depuis plusieurs années. Leur nombre, avant la crise causée par le Covid-19, était d’ailleurs en train d’augmenter très rapidement, partout dans l’Hexagone, notamment à Pompaire (Deux-Sèvres), Laval, Rennes, Caen, Lyon, Paris, Gennevilliers (Hauts-de-Seine), etc. Et pendant le confinement, de nombreux établissements rêvaient de pouvoir s’y mettre, et enseigner à l’air libre, au soleil. Cela n’est pas interdit, c’est possible en ville comme en milieu rural, et très peu coûteux. Pour la reprise scolaire, si nous faisions la classe dehors ? C’est devenu indispensable.
Les premiers signataires : Matthieu Chéreau, essayiste, coauteur de L’Enfant dans la nature (Fayard, 2019) ; Pascal Clerc, professeur des universités en géographie, CY Cergy Paris Université, laboratoire Ecole, mutations, apprentissages ; Collectif Tous dehors France; Dominique Cottereau, enseignante chercheuse en sciences de l’éducation à l’université de Tours et coordinatrice du réseau d’éducation à l’environnement en Bretagne ; Julie Delalande, professeure des universités en sciences de l’éducation à l’université de Caen-Normandie, chercheuse au Cirnef ; Martine Duclos, professeure des universités et praticienne hospitalière, CHU Clermont-Ferrand et université Clermont-Auvergne, Onaps ; Louis Espinassous, écrivain et éducateur nature ; Moïna Fauchier-Delavigne, journaliste, coauteure de L’enfant dans la nature ; Crystèle Ferjou, conseillère pédagogique départementale ;Isabelle Filliozat, psychothérapeute et écrivaine ; Cynthia Fleury, professeure titulaire de la chaire humanités et santé au Conservatoire national des arts et métiers ; Nathalie Noel, inspectrice adjointe à la Direction académique des services de l’Education nationale pour le premier degré ; Anne-Caroline Prévot, directrice de recherches CNRS et chercheuse au Cesco, Muséum national d’histoire naturelle ; Bernard Stiegler, philosophe ; Sarah Wauquiez, formatrice d’enseignants et psychologue. Retrouvez la liste complète des signataires à cette adresse.
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Le confinement pose de graves difficultés aux professeurs et à leurs élèves, explique le délégué général du think tank «Vers le haut» Marc Vannesson. Cette expérience démontre selon lui que la famille demeure le principal levier de la réussite scolaire.
Marc Vannesson est délégué général de Vers le haut, le think tank dédié aux jeunes et à l’éducation.
FIGAROVOX.- 5 à 8 % des élèves, selon l’Éducation nationale, n’ont pas donné signe de vie à leurs professeurs depuis le début du confinement. Dans certains établissements défavorisés, cette proportion est bien plus élevée. Comment les enseignants peuvent-ils responsabiliser davantage ces élèves et ces familles?
Marc VANNESSON.- Précisons d’abord que derrière ce chiffre du ministère, il y a une part de déni: comme si, pour 95% des enfants, la «continuité pédagogique» était simplement la continuation de l’école par d’autres moyens. Dans les faits, la majorité des familles se mettent la pression pour faire au mieux avec les moyens du bord mais elles ne remplaceront pas l’école.
Pour maintenir l’assiduité, la solution de facilité, c’est «la carotte et le bâton». Le ministère de l’Éducation va user de ce levier pour les classes à examen: Jean-Michel Blanquer a annoncé que l’engagement des élèves pendant le confinement sera un critère d’appréciation des jurys d’examen au brevet et au bac. Il faudra alors prendre en compte la situation des jeunes qui ne sont pas en mesure d’être assidus en ce moment. Tout n’est pas qu’une question de volonté ; il ne faudrait pas tomber dans la rhétorique culpabilisante sur les «parents démissionnaires» ou les «élèves insouciants». Beaucoup de jeunes sont dans l’impossibilité matérielle ou psychologique de travailler.
Avec cette crise, l’école perd de fait son monopole pour quelques semaines.
Une grande partie des enseignants s’adaptent avec détermination à ces situations en inventant de nouvelles façons de travailler avec leurs élèves. Il faut s’ajuster en permanence et pour cela, des temps de partage sont indispensables, en impliquant les jeunes et les parents, pour voir les pratiques qui font leurs preuves, celles qui bloquent… Les réponses ne sont pas les mêmes partout. Cela ouvre des pistes pour une réforme en profondeur de l’Éducation nationale demain: arrêtons de croire qu’il faut tout décider depuis Paris et faisons davantage confiance aux acteurs de terrain.
De façon plus générale, pendant cette crise, il faut accepter de mobiliser différemment les enfants, en faisant feu de tout bois: projets personnels, lecture, dessin, cuisine, jeux de société, programmes éducatifs et culturels sur les écrans… Au début des années 1970, Ivan Illitch invitait à penser une «société sans école» en regrettant une forme de monopolisation de l’éducation par l’école et une déresponsabilisation du reste de la société. Avec cette crise, l’école perd de fait son monopole pour quelques semaines. Cela nous oblige à repenser notre rapport à l’éducation, à accepter qu’il y ait d’autres façons d’apprendre que de rester en cours toute la journée.
La suspension des cours pénalise principalement les élèves qui ont des difficultés scolaires et dont les familles ne s’impliquent pas, ou peu, dans le suivi des devoirs. Comment les enseignants peuvent-ils accompagner ces élèves et tenter de corriger les inégalités qui s’accroissent?
Cette crise nous fait redécouvrir une évidence que le système éducatif français prend mal en compte d’habitude: le principal levier de la réussite scolaire, c’est la famille. C’est peut-être l’occasion d’une révolution copernicienne pour l’école de la République qui, historiquement, s’est construite sans les familles, voire contre les familles. Là, on est obligé de faire avec. La difficulté est de créer du lien quand on ne l’a jamais fait avant. L’avantage, c’est qu’avec leurs enfants confinés 24h sur 24, certains parents comprennent mieux les difficultés auxquelles font face les enseignants en temps normal. Beaucoup d’initiatives existent déjà: certains enseignants appellent régulièrement les familles, pour échanger avec elles sur leurs réussites et leurs difficultés. Des associations qui proposent du tutorat pour les jeunes en difficulté essayent de poursuivre leurs actions à distance, à travers des outils numériques. Autre piste: pourrait-on communiquer massivement par SMS sur les programmes éducatifs à la télévision pour toucher les familles les plus fragiles, comme cela a été fait pour annoncer le confinement?
Les jeunes sont les premières victimes des restrictions sanitaires et de leurs conséquences.
Dans l’après-confinement, il faudra se donner les moyens d’un accompagnement renforcé pour les jeunes en difficulté. Pourtant, le risque est grand qu’avec des finances publiques exsangues, l’éducation et la protection de l’enfance passent à l’arrière-plan, derrière la priorité donnée à la santé. Ce serait une erreur et une injustice. Les jeunes sont moins touchés par le virus que leurs aînés, mais ils sont les premières victimes des restrictions sanitaires et de leurs conséquences: la mise à l’arrêt des activités éducatives ; la hausse prévisible du chômage… La solidarité intergénérationnelle qui s’exerce aujourd’hui pour protéger les plus âgés doit continuer de se manifester demain pour protéger les plus jeunes.
Sera-t-il possible de faire étudier aux élèves tout le programme? Ou cette année scolaire sera-t-elle en fin de compte une année «sacrifiée»?
Même si le ministre se félicite qu’avec la suppression des épreuves du bac et du brevet, on puisse faire cours partout jusqu’au 4 juillet, il faut être lucide: on ne va pas «rattraper le programme». Parce que le temps perdu ne sera pas totalement compensé ; et surtout, parce que, dans une même classe, les écarts se seront creusés davantage: certains élèves ayant avancé, d’autres régressé… N’est-ce pas l’occasion de sortir de ce dogme du «programme scolaire» qu’il faut faire à marche forcée, quel que soit le niveau des élèves? Plus que jamais, il va falloir faire du sur-mesure. Et si, enfin, nous proposions à chaque jeune un projet personnalisé, construit avec les parents et les enseignants, en fonction de son niveau, de sa maturité? Bien sûr, il faut garder des références nationales, comme repères indispensables pour les acteurs et comme outils de pilotage politiques. Mais le programme doit devenir un jalon, plutôt qu’un objectif en soi, qu’on «fait» pour respecter les consignes hiérarchiques…
En privilégiant le contrôle continu plutôt que l’examen traditionnel, le gouvernement va-t-il fausser les résultats du baccalauréat? La notation varie beaucoup d’un lycée à un autre…
Les élèves de la promotion 2020 auront cumulé les difficultés: réforme accélérée du lycée, du bac, Coronavirus… Ceci dit, l’année dernière, la rétention de copies par des enseignants en grève avait déjà donné lieu à des «acrobaties» des jurys pour attribuer des notes. Et au final, la valeur du bac 2019 n’a pas été gravement remise en cause. Pour rassurer les familles, rappelons quand même que le baccalauréat n’est pas un concours: il faut garantir l’équité mais on n’est pas dans une logique de classement. D’ailleurs, pour l’accès aux filières sélectives de l’enseignement supérieur via ParcourSup, le dossier de l’élève et ses notes en contrôle continu comptent déjà davantage que les notes du bac qui arrivent trop tard.
Cette situation exceptionnelle va rouvrir le débat sur l’utilité des épreuves finales du bac.
Les jurys du bac devront prendre en compte les différences de notation selon les lycées, tout comme le font déjà beaucoup d’établissements d’enseignement supérieur dans l’analyse des dossiers. Cette situation exceptionnelle va rouvrir le débat sur l’utilité des épreuves finales du bac. Faut-il ou non garder ce «rite de passage»? Mais il ne faudrait pas que ce débat masque les vrais dangers de cette crise, qui se jouent en amont du lycée: au collège et surtout en primaire. Les retards de lecture en CP feront moins de bruit que la suppression des épreuves du bac mais ils sont beaucoup plus graves!
Est-il possible d’avoir un point de vue apaisé sur le numérique dans la vie de nos enfants ?
Faut-il les préparer au monde qui les entoure en leur donnant un écran dès leur entrée à l’école, ou se méfier de ces technologies qui, pour nombre d’entre elles, ne peuvent se prévaloir d’évaluations scientifiques solides ?
Peut-on réconcilier les « pour » et les « anti » à l’heure où les expérimentations pédagogiques qui s’appuient sur le numérique se multiplient… tout comme les phénomènes de dépendance aux écrans qui touchent enfants comme adultes ?
Le 1er colloque sur la question du numérique à l’école destiné à la fois au grand public, aux parents, aux enseignants comme aux spécialistes de l’éducation s’est tenu le 8 février dernier à Paris (16°) ; il était organisé par la Fondation pour l’école.
Le but de ce colloque ? Faire sortir la question du numérique à l’école de la seule sphère des spécialistes, écouter les parents d’élèves qui observent le numérique à la maison, interroger les pratiques, faire le bilan, proposer une vision non dogmatique et constructive de la place des écrans dans la vie des enfants…
La Fondation pour l’école a mis en ligne les vidéos de ce colloque, que vous pouvez retrouver en cliquant ICI; elle a également édité un petit livret avec les Actes de colloque et, surtout, des solutions concrètes et éprouvées pour pouvoir agir avec discernement dans ce débat passionnant (à retrouver LA).
La liberté pédagogique des professeurs est une donnée fondamentale de leur métier. Dans le secteur public, elle est toutefois limitée par les programmes officiels, les recommandations de pratiques pédagogiques « venues d’en haut » ou de contraintes telles que des tailles de classes rendant impossible toute approche personnalisée.
Le professeur des écoles indépendantes a, lui, la chance de pouvoir choisir un établissement dont le projet pédagogique lui convienne parfaitement, dont il est le véritable partenaire plus que le simple exécutant.
Il est donc force de proposition auprès de sa direction quant à l’acquisition de nouveaux savoir ou à l’enrichissement de sa pratique pédagogique, autant que sa direction compte sur lui pour se nourrir et ainsi nourrir ses élèves de contenus et de modes de transmissions régulièrement mis à jour.
Les formations de la Fondation pour l’école sont avant tout conçues pour les professionnels de l’éducation bénéficiant d’une pleine liberté pédagogique. Elles ont pour ambition d’aider chaque membre de l’établissement à apporter sa propre contribution à la qualité du projet éducatif global, et à maintenir ou rénover leur passion du métier.
Ce sont donc près de 70 formations que la Fondation pour l’école propose aux établissements du primaire comme du secondaire. Elles s’adressent aux professeurs, aux éducateurs et aux personnels de direction.
Compatibles avec un agenda professionnel, ces formations peuvent être suivies soit en cycle complet (plusieurs WE répartis tout au long de l’année), soit module par module (les inscriptions sont possibles tout au long de l’année), et peuvent, pour la moitié d’entre elles, être dispensées au sein-même de l’établissement. Elles sont prises en charge par les OPCO.
Pour consulter les 72 formations au catalogue de la Fondation pour l’école, cliquez ICI. Pour toute question, vous pouvez écrire à [email protected].
L’association EUDEC France, en partenariat avec la Fondation pour l’école et les éditions Actes Sud, présente la Journée de la liberté éducative le 28 septembre prochain. Débats, conférence et rencontres avec les porte-paroles d’une vision différente de l’école.
PROGRAMME DE LA JOURNÉE
9h30 – 10h : Accueil des auditeurs
10h – 12h30 : Éduquer et instruire, à l’école et en dehors : comment placer le curseur entre activité spontanée, aiguillée et imposée de l’enfant ? » – Débat entre Anne Coffinier et Ramïn Farhangi [swmsc_one_half first] Anne Coffinier est fondatrice de l’association Créer son école (2004), de l’Institut libre de formation des maîtres (2007) et de la Fondation pour l’école (2008), reconnue d’utilité publique. [/swmsc_one_half] [swmsc_one_half] Ramïn Farhangi est cofondateur de l’école dynamique (2015), de l’association EUDEC France (2016), de l’écovillage de Pourgues (2017) et du mouvement Enfance Libre (2019). [/swmsc_one_half]
12h30 – 15h : pause déjeuner – les fondateurs d’écoles démocratiques seront disponibles pendant la pause pour échanger avec les auditeurs.
15h – 17h30 : « What kind of education do children need ?« . Conférence de Peter Gray sur le rôle fondamental du jeu libre et du pouvoir des apprentissages auto-dirigées dans l’éducation des enfants). Conférence en anglais, traduite en direct via l’application pour smartphone Zoom.
[swmsc_one_half first]Peter Gray est un chercheur et un académicien américain, professeur de psychologie à Boston College. Il est l’auteur de Libre pour Apprendre (Actes Sud, 2016).[/swmsc_one_half] [swmsc_one_half]Il est également l’auteur du blog Freedom to Learn pour le magazine Psychology Today, le fondateur d’Alliance for Self-Directed Education et le fondateur de Let Grow. [/swmsc_one_half]
Frédéric Simmotel et Xavier Fontanet recevaient, le 22 juin dernier sur BFM Business, les équipes finalistes du concours Strathena. Cette compétition, qui s’adressait à tous les élèves de Première en France, s’est achevée le 6 avril dernier par une finale en live sur le salon Libsco. Le but ? Apprendre aux lycéens la stratégie d’entreprise grâce à un support pédagogique innovant, cette discipline étant pratiquement absente des programmes du lycée.
Proposé à l’origine à tous les lycéens en classe de Première, le concours Strathena n’a en fait réuni que des lycées privés, aucun lycée public n’ayant souhaité y participer : cela en dit bien long sur le regard porté par l’Éducation nationale sur l’entreprise et le monde économique.
Sait-elle que la totalité de ses élèves y sera fatalement confronté, à peine 2 ans plus tard pour les premiers ? Quand on observe la difficulté des jeunes à s’insérer au sein du monde économique et l’appétence de nombre d’entre eux pour l’entrepreneuriat, ne serait-il pas grand temps d’enseigner à nos lycéens plus que le strict minimum ?
D’autant qu’il existe aujourd’hui des outils pédagogiques dynamiques, innovants et efficaces, loin des cours académiques parfois trop abstraits, et qui savent les passionner -les serious games en faisant naturellement partie.
« Il y a énormément d’innovations !
Et évidemment nous pensons que ce cours est une innovation ». Xavier Fontanet, ex-PDG d’Essilor et professeur à HEC, à l’initiative du concours.
Autre fait très intéressant : plus de 60 % des élèves inscrits au concours provenaient de lycées techniques ou agricoles. Les filières générales considèrent-elles la connaissance approfondie de l’entreprise comme superflue ? Les filières professionnelles, elles, ont en tous cas bien compris l’intérêt pédagogique qu’un serious game de stratégie d’entreprise pouvait représenter…
C’est le cas de Chrystele Guinet, enseignante en économie à l’école d’horticulture et animalerie de la Tour du Pin. Ses élèves sont arrivées en finale du concours. Le serious-game lui a permis de faire écho au programme d’économie de sa filière, de « challenger » ses élèves tout au long de l’année, et de donner un aspect immédiatement concret à son enseignement.
« C’était intéressant pour eux de s’investir comme si c’était leur entreprise ».
Chrystele Guinet, enseignante en lycée professionnel.
L’Equipe gagnante du jeu-concours Strathena
Si certains professeurs avaient intégré Strathena dans le cadre du programme d’enseignement, d’autres équipes se sont inscrites au jeu en candidats libres, faute d’avoir pu se faire accompagner par un enseignant. C’est ainsi qu’Ines, Jade et Anne-Louise, du lycée Saint Michel de Saint-Mandé, se sont qualifiées… jusqu’à la victoire !
« On a pu mettre en pratique ce que l’on avait vu en cours : tout ce qui est parts de marché, gestion de l’entreprise … ici on était en position de propriétaire ».
Ines, Jade et Anne-Louise, gagnantes du concours Stathena
Débat public entre Svenia Busson et Anne Coffinier
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Svenia Busson a réalisé un tour du monde des EdTech à travers le monde en 2016 et a depuis créé la société LearnSpace, convaincue de la pertinence et de l’efficacité du numérique au sein du monde éducatif.
Anne Coffinier dirige une Fondation dont l’ambition est de favoriser l’émergence d’écoles alternatives sans jamais renoncer à l’excellence académique de la tradition éducative française.
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L’école doit-elle se mettre au diapason des EdTech et ce duo sonne-t-il nécessairement juste ? Une soirée-débat qui permettra à ces deux entrepreneuses du monde éducatif de confronter leurs points de vue.
Le 3 Juillet 2019 à 19h au 25 rue Sainte-Isaure à Paris 18è. Entrée libre sur inscription. Attention, places limitées
« 7 millions de Dys, que faisons-nous pour eux ? »
La phrase ne manquera pas d’interpeller….
Se préoccuperait-on enfin des troubles Dys à l’échelon national ?
Les écoles indépendantes spécialisées dans la prise en charge des enfants Dys -dyslexiques, dysphasiques, dyspraxique, dyscalculiques, dysorthographiques, etc.- seront-elles un peu moins seules à l’avenir ? En effet, l’Education nationale ne propose pour l’instant pas de cursus adaptés à ces milliers d’enfants, de facto en souffrance dans un milieu scolaire qui ne tient pas compte de la spécificité de leurs besoins.
« Le public [de ce colloque] est composé de parents d’enfants qui ont été diagnostiqués, d’adultes porteurs de troubles, de professionnels de santé, de responsables politiques et associatifs, etc. Cela témoigne de l’importance du sujet et des fortes attentes de la part de la population, face à que l’on pourrait qualifier désormais un enjeu de société« .
Jean-Carles GRELIER,
Député de la Sarthe
Organisateur du Colloque et auteur de la proposition de loi
Rappelons-le, les troubles Dys sont reconnus comme un handicap par la loi de 2005 pour l‘égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées.Ils touchent plus de 10% de la population et notamment les enfants, entraînant des répercussions sur la vie scolaire, professionnelle, sociale et familiale.
Le prochain colloque du 27 mai permet donc de rêver un peu : les Ministres Sophie CLUZEL et Adrien TAQUET sont attendus, tout comme Brigitte BOURGUIGNON, Présidente de la Commission des Affaires sociales, Marie-Anne MONTCHAMP, Présidente de présidente de la Caisse Nationale de Solidarité pour l’Autonomie (CNSA), Patrick GOHET, Adjoint au Défenseur des Droits, ainsi que de nombreux scientifiques et professionnels de santé.
Souhaitons que l’issue de ce colloque soit fructueuse, que la proposition de loi voit effectivement le jour, et que les écoles indépendantes spécialisées dans l’accueil des enfants Dys ne manquent pas d’être consultées, écoutées, voire encouragées.