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Pour être bon professeur, il faut maîtriser les savoirs à transmettre mais aussi avoir « une bonne pédagogie ». Si les connaissances s’acquièrent naturellement dans le cadre de cours ex cathedra et de lectures personnelles, nul ne doute que la pédagogie, elle, ne peut s’apprendre que sur le terrain, dans la classe. Bref, la pratique pédagogique s’apprend en pratiquant ! Rien de nouveau sous le soleil. L’ILFM – l’Institut libre de formation des maîtres créé par la Fondation pour l’école en 2007 – accorde peu de confiance aux pédagogues en chambre et autres experts es sciences de l’éducation et préfère donc confier ses élèves à des maîtres chevronnés et plébiscités par des générations de parents. 

Parce que la formation des maîtres, dans les IUFM comme dans les CFP, étaient aux mains de pédagogistes qui déstabilisaient les futurs maîtres d’école au lieu de les préparer à leurs responsabilités (cf. le Journal d’une institutrice clandestine de Rachel Boutonnet publié en 2003 chez Ramsay), le gouvernement a supprimé les IUFM en 2010 et redéfini les modalités d’accession à cette profession pour l’école publique ou sous contrat. Résultat : jusqu’à présent, les futurs maîtres d’école ont été privés de toute formation pratique les préparant à la réalité de leur métier et de la vie en classe. Une grande angoisse s’est emparée de la plupart des jeunes professeurs. Nombre de cours privés d’accompagnement des professeurs ont vu le jour depuis lors, pour la plus grande fortune de ces nouveaux coachs.

A l’ILFM, nous pensons qu’enseigner est un artisanat, pas une science. Un artisanat humble et lent qui prend en compte la nature de l’enfant, comme le sculpteur tient compte des veines du bois, et qui se nourrit aux meilleures traditions. Des générations d’instituteurs des écoles catholiques comme de l’école publique ont mis au point des manières simples et efficaces d’exposer les connaissances aux enfants. Il faut déjà les connaître et les maîtriser avant de prétendre vouloir innover.

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Pour le Dr Eric Konofal, coordonateur adjoint du Centre de Référence National de la Narcolepsie et Hypersomnies Rares, Centre Pédiatrique des Pathologies du Sommeil, Hôpital Robert Debré, Paris, spécialisé dans les troubles de l’attention, les problèmes d’attention n’ont rien à voir avec l’intelligence. Et pourtant ils sont une entrave réelle aux apprentissages.

Que connaît-on aujourd’hui, d’un point de vue scientifique, du fonctionnement de l’attention et de la concentration ?

Les neurosciences ont permis des avancées considérables dans la connaissance des mécanismes qui régulent l’attention. Même si on ne peut pas dire que tout soit parfaitement connu, et encore moins maîtrisé, on commence à mieux cerner, entre autres, le rôle de certains neuromédiateurs, comme la dopamine et la mélatonine, et de sels minéraux, comme le fer principalement. On connaît les rythmes circadiens qui structurent notre journée, et on peut maintenant évaluer, par des analyses biochimiques ou par imagerie médicale, les dysfonctionnements qui empêchent certains enfants de se concentrer. Avec ces données, on peut essayer d’apporter des solutions adaptées à chaque cas.

Est-il exact que les enfants ont davantage de problèmes à se concentrer aujourd’hui et, si oui, pourquoi ?

Il est difficile de répondre à cette question. On prête surtout beaucoup plus attention à ces problèmes aujourd’hui qu’avant. Les enfants sont plus massivement scolarisés, et il faut avouer que ce sont surtout les exercices scolaires, pratiqués dans le cadre de l’école, qui est un cadre uniformisé et contraignant, qui révèlent ce type de trouble. Auparavant, le système scolaire évacuait plus facilement, et précocement, les enfants qui présentaient un trouble de l’attention, d’autant plus que ce genre de trouble s’associe assez fréquemment à une hyperactivité motrice, qui peut être une stratégie développée par l’enfant pour maintenir son éveil ou son attention. Toutefois on trouve dans la littérature médicale de nombreux ouvrages qui traitent de l’inattention ou de la distraction, et ce dès le début du XIXe siècle. Il est donc probable que les enfants n’aient pas foncièrement changé, mais que notre regard sur eux se soit modifié. L’évolution de nos attentes à leur égard, et celle, très importante, des méthodes éducatives et pédagogiques ont rendu les problèmes plus apparents, et peut-être plus lourds de conséquence.

Combien de cas sont-ils pathologiques (TDAH) et à quoi est-ce généralement dû ?

Le Trouble Déficitaire de l’Attention avec ou sans Hyperactivité (TDAH), qui associe inattention, impulsivité, et hyperactivité comportementale, touche de 2 à 5 % des enfants. Le diagnostic repose sur des critères cliniques définis dans le Manuel Diagnostique et Statistique des Troubles Mentaux (DSM-IV TR), critères qu’il convient de poser sur un enfant âgé de plus de 6 ans. L’origine du trouble est physiologique, et non éducative ou comportementale comme on l’a longtemps cru. Elle est à chercher dans un dysfonctionnement dopaminergique (la dopamine est un neurotransmetteur jouant un rôle important dans le système nerveux central, c’est-à-dire au niveau cérébral), auquel s’adjoint une carence en fer. La découverte récente de l’importance du fer dans les problèmes d’attention a changé considérablement l’approche thérapeutique de ces troubles.

Peut-on traiter ces dysfonctionnements chroniques d’origine chimique autrement que par des médicaments ?

C’est assez difficile, étant donné que l’origine est physiologique. Encore faut-il s’entendre sur ce qu’est un médicament. La première chose à faire étant de traiter la carence martiale, il faut donner du fer. Est-ce alors un médicament ? Pour être fourni en quantité suffisante, le fer doit être apporté chimiquement, et c’est alors un médicament. Mais il est bon aussi de changer les habitudes alimentaires de l’enfant (et souvent de la famille), de manière à enrichir l’alimentation en fer. Notre alimentation a beaucoup évolué au cours des trente dernières années, et cela n’est pas sans conséquences. Beaucoup de sources de fer, parmi les meilleures, n’apparaissent plus au menu des enfants : viande rouge, boudin noir, foie, huîtres, moules, cœur de bœuf, haricots secs, mâche…

Ensuite, l’environnement peut être modifié : on peut supprimer les stimuli inutiles (images trop nombreuses dans les livres et manuels, télévision,…), et aider l’enfant à se concentrer en épurant son cadre de travail (ne pas le changer de place en classe, de manière à ce qu’il se familiarise avec ce qui l’entoure et puisse « l’oublier », veiller à ce que les effectifs de ses classes ne soient pas trop nombreux,…).

En quoi les neurosciences peuvent-elles aider l’éducateur ou le professeur à adopter des méthodes d’enseignement performantes ?  Quelles sont leurs limites ?

Elles peuvent aider à poser un diagnostic, et à différencier un enfant qui ne peut pas se concentrer, même s’il le souhaite, d’un petit plaisantin agité qui perturbe le cours volontairement. Des médecins, des orthophonistes et des psychologues spécialisés dans les troubles de l’attention développent aussi des activités qui peuvent rééduquer l’enfant, et lui apprendre à soutenir son attention. Ils donnent aussi souvent de bons conseils, sur les rythmes de travail, l’organisation fonctionnelle d’une classe (place des objets, décoration…), ou sur la conduite à tenir en face de ce type d’enfants, de manière à les aider à progresser et à apprendre. Les problèmes d’attention n’ont rien à voir avec l’intelligence, et pourtant ils sont une entrave réelle aux apprentissages.

Quelles seraient vos principales recommandations aux instituteurs pour apprendre à leurs élèves à développer une attention plus soutenue ?

Je ne suis pas sûr qu’on puisse « l’apprendre » aux élèves, du moins pas à ceux qui ont un vrai trouble. Mais pour faciliter la concentration, il existe de nombreuses méthodes, qui ont toutes leurs limites évidemment, mais qui peuvent être essayées par les enseignants. Quelques exemples, assez évidents : toujours bien décomposer les tâches à faire en petites unités, utiliser des métronomes ou de petites horloges pour bien circonscrire le « temps attentif » et permettre des pauses fréquentes, choisir un emploi du temps fixe et un peu ritualisé, qui permet à l’enfant de toujours savoir où il en est et de se concentrer sur le travail qu’on lui demande. D’une manière générale, il faut chercher à évacuer tout ce qui peut parasiter l’attention (je pense surtout, dans les salles de classe, aux écrans divers, aux multiples choses colorées qui décorent les murs et parfois pendent du plafond, et aux larges baies vitrées ouvertes sur la cour de récréation…).

Quel livre ou site internet conseillez-vous ?Proposition de questions :

On peut citer une association HyperSupers, laquelle a beaucoup œuvré dans l’information et la communication autour du TDAH : www.tdah-France.fr

Une présentation de cet article est parue dans Les Chroniques de la Fondation de septembre 2011.

La Fondation pour l’école et l’Institut Libre de Formation des Maîtres vous proposent un cycle de quatre conférences sur l’enseignement. Virginie Subias, professeur agrégé de lettres classiques, professeur en classes préparatoires, vous présente ici la conférence qu’elle prononcera samedi 15 octobre 2011 sur le thème Enseigner dans l’Antiquité.

 L’école est avant tout pour les contemporains un lieu et une institution. Pour les hommes de l’Antiquité, elle est un état, l’état de loisir (skholè) qui permet, en faisant une pause dans les tâches nécessaires et contraignantes de l’activité sociale, de « cultiver son esprit » (Cicéron), c’est-à-dire de rendre fécond, productif, ce terrain donné par la nature et qui, s’il est laissé en friche par l’absence d’éducation, reste en grande partie stérile.

L’objet de cette conférence est de voir comment s’est réalisé le souci éducatif à travers les différentes périodes de l’Antiquité gréco-latine : à Athènes d’abord, puis à Sparte, et enfin à Rome. De brefs excursus permettront de mettre en regard la réalité historique avec les théories de deux philosophes grecs s’étant intéressés à l’éducation de la jeunesse : Platon et Aristote.

L’Antiquité peut servir de miroir inversé pour notre monde contemporain. Aujourd’hui, dans le même temps qu’on déplore un renforcement féroce de l’individualisme, une dynamique profonde tend à l’uniformisation de grandes masses humaines, tant au niveau des pensées que des comportements. Et dans notre pays, l’école entre dans cette dynamique, par l’unicité des programmes au niveau national, et l’uniformité des rythmes, des cursus et des méthodes dans une large mesure. En Grèce comme à Rome, l’État n’exerçait aucun contrôle sur l’éducation, qui était avant tout une affaire individuelle, ou familiale (sauf à Sparte, où tout intérêt privé était inféodé à l’intérêt public). Pourtant, prévalaient dans ces sociétés un très fort patriotisme et un fort esprit communautaire.

En Grèce, les Sophistes ouvrirent le débat, épineux, de la rémunération des maîtres et donc du prix du savoir, savoir dont tout le monde avait conscience qu’il est la condition dela liberté. En Grècetoujours, quelques créateurs d’écoles proposèrent que l’éducation fût remise entre les mains de l’État, mais il s’agissait toujours de l’État vertueux de leurs cités idéales. Dans la réalité, les parents, seuls, choisissaient les maîtres auxquels ils allaient confier leurs enfants, et la renommée était gage de compétence. A Rome en revanche, une organisation scolaire stéréotypée s’était développée, et les grammairiens commencèrent à réfléchir sur les pratiques pédagogiques, ouvrant une porte qui ne s’est jamais refermée depuis.  Mais l’amour de la liberté était tel que jamais on ne songea à déléguer à l’État ce qui apparaissait comme l’un des facteurs essentiels de la construction de chaque citoyen.

Virginie Subias, professeur agrégé de lettres classiques, professeur en classes préparatoires.

 Cette conférence aura lieu samedi 15 octobre 2011 (18 h – 19 h 30) au 115-117 rue Notre-Dame-des-Champs Paris VIe sur inscription préalable à [email protected] ou 01 42 62 76 94. L’entrée est alors gratuite.

Le professeur de philosophie Catherine Kinzler a donné un intéressant cours public sur les idées de Condorcet en matière d’école. Voilà typiquement un penseur de l’école et de la République qu’il est bon de faire lire aux futurs professeurs de l’école publique comme privée. A noter, d’ailleurs, que cet auteur est étudié à l’Institut libre de formation des maîtres par les élèves de première année. Les vues de Condorcet, développées dans ses Cinq mémoires sur l’instruction, mais aussi dans ses discours devant la Convention nationale, essentiellement en 1792, sont bien éloignées de celles que professent nombre de thuriféraires actuels de « l’école de la République ». Voici la version vidéo de ce cours public, subdivisée en 3 courtes vidéos, la première étant à visionner à partir de la minute 04.52.

La conférencière, professeur de philosophie, est par ailleurs connue notamment pour sa défense opiniâtre dela laïcité. Son blog contient un certain nombre de textes très intéressants sur l’école, et notamment sur Condorcet.

TRIBUNE LIBRE

Si le plus célèbre des gauchers n’est autre que Léonard de Vinci, combien d’autres ont souffert d’être considérés comme gauches, maladroits, « pas dans le bon sens », combien sont en difficulté quand il s’agit de lire, d’écrire et de compter ?

Gauchère elle-même, Mme Joëlle Morice Mugnier, psychopraticien de la méthode Vittoz, propose une pédagogie fondée sur la structuration de la latéralité, la latérapédagogie. Elle a résumé ses recherches dans un livre Gauchers en difficulté – La latérapédagogie, une richesse inexploitée (Pierre Téqui, 2011). Elle répond à nos questions.

Gauchère vous-même, vous avez été confrontée dès l’enfance à divers obstacles. Quels sont les plus fréquents ?

Il est commun de dire que le gaucher, puisqu’il n’est plus (a priori) contrarié de la main pour écrire, n’a plus à souffrir de sa gaucherie. Tout le monde imagine qu’il est « bien dans ses baskets ». Il existe d’ailleurs pour lui beaucoup d’outils ergonomiques qui facilitent sa vie quotidienne : ouvre-boîte, ciseaux… (Cf. www.lesgauchers.com).

Je fais partie des 14 % de gauchers en Occident qui, bien qu’écrivant avec leur main dominante, sont en réalité toujours contrariés par le sens gauche/droite de l’écriture, de la lecture, voire même de la pensée. Nous écrivons, lisons et souvent pensons « en fermeture ». Ce ne sont donc pas seulement quelques poignées de porte qui s’ouvrent à l’envers pour nous gauchers qui malmèneront notre intellect, notre psychique, nos affects… L’impact de la contrariété du sens conventionnel sur le cerveau est plus important qu’on ne pourrait l’imaginer.

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