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portraitannecoffinier7Dans une interview à Caroline Beyer parue aujourd’hui dans les colonnes du Figaro, Anne Coffinier, la Directrice générale de la Fondation pour l’école dénonce les projets du gouvernement :

Figure emblématique de l’enseignement privé, Anne Coffinier vient de déposer un recours auprès du Conseil d’État pour excès de pouvoir. En ligne de mire: le projet du gouvernement qui entend contrôler davantage les écoles n’ayant pas de contrat avec l’Éducation nationale. Normalienne, convertie au catholicisme pendant sa scolarité à l’ENA, elle préside la Fondation pour l’école, qui, depuis 2008, finance des établissements hors contrat.

LE FIGARO. – Comme annoncé par la ministre il y a quelques mois, les conditions se sont durcies pour les établissements hors contrat. Comment l’interprétez-vous ?

Anne COFFINIER. -Najat Vallaud-Belkacem a ouvert les hostilités, en fin de mandat, pour s’offrir une victoire symbolique sur le dos du hors contrat. Mais, paradoxalement, elle a permis la constitution d’une coalition sans précédent pour défendre la liberté scolaire, allant de l’Enseignement catholique aux écoles écocitoyennes en passant par l’Association des maires de France. Une partie de la gauche – des écologistes et des communistes – est hostile à la mainmise de l’Éducation nationale sur la formation de la jeunesse! Le droit au libre choix de l’école est une revendication transpartis.

La loi égalité et citoyenneté, adoptée le 22 décembre, prévoit de remplacer le régime d’ouverture des écoles, en le soumettant non plus à déclaration mais autorisation. Cela change-t-il la donne ?

Le prétexte est de lutter contre des risques de radicalisation, mais il est clair que l’État n’a pas de légitimité pour s’octroyer le droit de délivrer des permis de naissance aux écoles de la société civile. Ce n’est qu’en contrôlant sur le terrain les écoles qu’il pourra – au-delà des beaux dossiers de projets – jauger l’esprit véritable d’une école, afin de vérifier qu’on y cultive paisiblement l’amour de la France !

Ainsi, un décret daté du 28 octobre organise un renforcement des contrôles de ces écoles. Vous venez pourtant de déposer un recours auprès du Conseil d’État pour excès de pouvoir. Quels sont vos arguments ?

Les écoles indépendantes ne rendent un service au pays que parce qu’elles sont libres de leur recrutement professoral et de leurs programmes et méthodes pédagogiques. Leur imposer la référence des programmes de l’Éducation nationale les prive de l’essentiel de leur intérêt. Ce décret touche en plein cœur la liberté scolaire.

«Il faut changer totalement de logique. Le financement public d’une école doit dépendre non plus de son statut juridique (public, sous contrat, hors contrat), mais de sa performance académique.»

Vous réclamez des financements publics. N’est-ce pas contradictoire avec cette revendication de liberté ?

Il faut changer totalement de logique. Le financement public d’une école doit dépendre non plus de son statut juridique (public, sous contrat, hors contrat), mais de sa performance académique. Pourquoi ne pas s’inspirer des free schools anglaises, ces écoles publiques gratuites créées par la société civile et intégralement financées par l’État, dans le plein respect de leur caractère propre spirituel, éducatif et pédagogique? Elles sont financées par l’État pour autant qu’elles font progresser. Sinon, elles sont fermées sans pitié. La grande révolution, c’est l’évaluation. Par un organisme indépendant, bien sûr, et non par une Éducation nationale juge et partie.

Quel serait alors le rôle de l’Éducation nationale?

Bien gérer ses propres écoles. Et laisser la société civile faire sa part librement en matière d’éducation, sans chercher à la caporaliser. Trop d’enfants sont en échec parce qu’ils n’arrivent pas à entrer dans le moule unique de l’Éducation nationale!

Êtes-vous favorable au chèque éducation (financé par l’État, il permet aux familles de scolariser leur enfant dans l’école de leur choix, NDLR) ?

Oui, mais le crédit impôt est plus facile à mettre en œuvre. Chaque foyer pourrait déduire des impôts ses frais de scolarité ou, s’il n’est pas imposable, recevoir un chèque du même montant. Tous les parents, riches ou pauvres, auraient alors accès à l’école privée de leur choix. Le système actuel, avec la gratuité et la carte scolaire obligatoire pour l’école publique, incite les parents à se laisser porter.

Le chèque éducation est une proposition traditionnelle du Front national…
Plus aujourd’hui en tout cas. Et certainement pas au niveau international où le mécanisme est plébiscité tant à gauche (Scandinavie, Pays-Bas…) qu’à droite.

Quel type d’école votre fondation finance-t-elle?

Les meilleures écoles libres non lucratives. La plupart sont de confession catholique, même si nous finançons aussi des écoles non confessionnelles répondant à une urgence éducative: écoles de grande ruralité, pour enfants en difficulté, etc.
«Nous défendons en outre le droit des musulmans à créer leur école, à condition que ce ne soient pas des écoles communautaristes insufflant la haine de la civilisation française»

Pourriez-vous accompagner des projets d’écoles musulmanes ?

Nous ne l’avons jamais fait. Les projets éducatifs qui nous étaient présentés étaient incompatibles avec les valeurs de notre charte, notamment sur l’articulation entre foi et raison. Pour autant, notre Institut libre de formation des maîtres (ILFM) forme des maîtres de toutes confessions. Nous défendons en outre le droit des musulmans à créer leur école, à condition que ce ne soient pas des écoles communautaristes insufflant la haine de la civilisation française. Les liens des écoles musulmanes sous contrat avec les Frères musulmans nous semblent à ce titre inadmissibles.

L’école publique, Normale sup, l’ENA… Quel souvenir gardez-vous de votre scolarité ?

Disons que cela manquait terriblement d’âme. Heureusement que j’avais un père extraordinaire et que je faisais de la musique en parallèle. Quand j’ai intégré Sciences Po puis l’ENA, j’ai vite compris que dans l’administration, réussite rimait avec servilité.

Un portrait du Monde vous décrivait comme «l’autre égérie de la Manif pour tous». Quel est votre engagement politique?

Je suis catholique, j’aime la France, je crois en la famille. Je n’appartiens à aucun mouvement ni parti politique. Je suis un acteur de la société civile qui croit à l’incroyable fécondité de cette dernière, dès lors qu’elle prend son destin résolument en mains, sans tout attendre de l’État.

Retrouvez l’interview sur le site du Figaro.

alberic-de-serrant_inside_full_content_pm_v8Il n’y a malheureusement pas d’âge pour être un tyran… et les apprentis tortionnaires commencent parfois à traumatiser leurs parents dès l’âge de 4 ans.

Dans une enquête sur les « enfants tyrans », parue dans Paris Match, Albéric de Serrant, directeur du Cours Alexandre Dumas, partage son expérience d’un établissement qui accueille des enfants venant souvent d’un milieu social difficile. L’apprentissage du respect de l’adulte est au cours de la pédagogie de l’école, qui appartient au réseau Espérance Banlieues.

Retrouvez l’entertien d’Albéric de Serrant en cliquant ici.

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A 27 ans, Constance Burg est déjà directrice de l’école Saint-Joseph l’Espérance, un établissement primaire hors-contrat qui a ouvert en septembre 2016 à Vernon (Eure).
Après des études de droit, Constance est tombée dans « la marmite de l’enseignement » en suivant une formation à l’ILFM (Institut libre de formation des maîtres) qui prépare notamment les futurs instituteurs de l’enseignement hors-contrat.

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15337604_1315676441807510_8577924546806672749_nA chaque fois qu’il est question d’école, la gratitude de la Nation est renouvelée à Jules Ferry qui aurait, après des siècles d’inertie obscurantiste, eut le génie d’inventer l’école publique, gratuite, laïque et obligatoire. Mais non, Jules Ferry n’a pas inventé l’école…

Virginie Subias-Konofal, agrégée de Lettres Classiques et docteur ès Lettres, a présenté en décembre dans le cadre des Conférences de l’Institut Libre de Formation des Maîtres une conférence décapante sur tous les préjugés de l’histoire de l’éducation en France.

Retrouvez l’intégralité de son intervention à l’adresse suivante :
http://www.ilfm-formation.com/conference-ecolatres-petit-panorama-de-lecole-france/

1416413906_xavier-fontanet-webLa gratuité est indiscutable dans le domaine régalien (police, justice, affaires étrangères et armée). En revanche, dès qu’on en sort, elle pose au moins trois problèmes. D’abord, elle détruit dans l’esprit du citoyen l’idée que le service public a un coût. Ensuite, elle dévalorise le travail de nos agents publics en ne donnant pas la mesure de son vrai prix. Enfin, elle est une forme de dumping qui rend difficile l’émergence de nouvelles formules.

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le 16 septembre 2016, Rencontre / Débat entre Alain juppé et Anne Coffinier poru le magazine Famille chrétienne.

le 16 septembre 2016, Rencontre / Débat entre Alain juppé et Anne Coffinier poru le magazine Famille chrétienne.

Candidat à la primaire de la droite, Alain Juppé a publié un livre-manifeste* sur l’éducation. Anne Coffinier est directrice de la Fondation pour l’école, dont le but est de rénover le système éducatif via la création d’écoles libres. Comment réformer un système scolaire en panne ? Le premier se méfie de la « grande réforme » qui met tout le monde dans la rue. Pour la seconde, tant qu’à susciter la contestation, autant réformer vraiment.

La droite ose rarement revenir sur les réformes de la gauche. Garderez-vous la réforme du collège, toujours très contestée par les professeurs et les parents ?
AJ : En l’état, certainement pas. Mais bien que les grands chamboulements soient à la mode, je ne souhaite pas repartir à zéro. Quand j’écoute les enseignants, je me dis qu’ils ont aussi besoin de stabilité. Dans cette réforme, il y a un ou deux points qui m’avaient parus intéressants. Le premier c’est la marge d’autonomie laissée aux établissements pour utiliser leur dotation horaire de façon à l’adapter à la réalité du terrain. Je propose même d’aller beaucoup plus loin en étendant cette autonomie à la totalité de la dotation horaire globale des établissements du second degré. Le second, c’est l’idée qu’il faut renforcer tout ce qui est soutien, accompagnement, personnalisation des parcours.
En revanche il y a dans cette réforme des choses inacceptables qu’il faudra revoir, parce qu’ils traduisent cette méfiance incompréhensible envers l’élitisme et l’excellence. Pour moi l’égalité, ce n’est pas de raboter ceux qui peuvent aller plus loin, mais de pousser ceux qui sont en retard. Or ce n’est pas du tout la philosophie de cette réforme. Par exemple, la disparition des classes européennes et celle des classes bilangues, même s’il y a eu un rétropédalage très inégalitaire, ainsi que le sort du latin qui a été fondu dans un EPI (Enseignement pratique interdisciplinaire) dont on ne sait pas très bien ce qu’il va devenir. Le latin est pourtant une chance pour tous ceux qui peuvent en faire : d’abord parce qu’on peut difficilement enseigner notre langue sans avoir au moins une connaissance un peu approfondie du latin qui est sa matrice. Ensuite parce que l’apprentissage du latin est aussi une méthode à acquérir et une formation de l’esprit.

AC : Revenir sur la réforme du collège et des rythmes scolaires est la moindre des choses, mais il nous faut être plus ambitieux : expurger le socle commun de connaissances et les programmes de tout charabia et de toute idéologie et les reformuler de manière concise et rigoureuse; évaluer les professeurs non plus sur leur zèle à appliquer les méthodes pédagogiques décrétées par l’Education nationale mais sur leur capacité à faire progresser effectivement leurs élèves, grâce à l’instauration de tests nationaux annuels ; recruter parmi les meilleurs professeurs repérés grâce à ces tests les futurs directeurs et formateurs de professeurs; donner enfin la liberté aux Français de choisir l’école de leur enfant, qu’elle soit publique ou privée, confessionnelle ou pas, sans subir des quotas ou des discriminations financières iniques. Voilà les changements susceptibles de nous sortir du marasme éducatif. Quel est pour vous le statut de l’Enseignement catholique aujourd’hui ? Est-il simplement toléré ou pleinement reconnu par la République ?

AJ : J’ai défilé à Versailles en 1984 pour défendre l’école libre. Je suis très attaché à la liberté fondamentale qu’est le libre-choix de l’école. Les Français sont descendus massivement dans la rue pour le demander. Et surtout il ne faut pas rouvrir ce débat. La grande difficulté est de concilier cette liberté et un certain nombre de règles qui caractérisent le Service public avec le caractère propre de l’Enseignement catholique, enseignement qui perd son sens s’il n’a pas un caractère propre. Quand un enseignant va dans ces écoles, il doit normalement adhérer à ce projet particulier. Il faut maintenir et protéger cela. Il y a suffisamment de garde-fous sur la formation des professeurs, les programmes, pour que l’enseignement catholique soit parfaitement compatible avec les principes du service public. C’est ma conviction : le service public peut être assuré par des organismes de droit public, ou par des organismes de droit privé. Pardon de cette comparaison qui vous choquera mais une délégation de service public, c’est aussi une participation au service public.

AC : Lorsque l’Eglise enseigne, elle ne le fait pas en tant que délégataire de service public, mais de sa propre autorité, parce qu’elle est chargée par Dieu d’une imprescriptible mission d’intérêt général. La fondatrice de l’Université n’a pas besoin du « garde-fou » des programmes fixés par l’Education nationale !

AJ : Vous ne pouvez pas nier que dans les écoles catholiques sous contrat, on applique les programmes de l’Education nationale et les élèves passent les mêmes examens, non ? C’est de cela dont je parle. A partir de là que l’on ait une liberté pour transmettre d’autres messages ou d’autres valeurs, c’est naturel. Si je reconnais une autonomie aux établissements publics, je le fais a fortiori pour les établissements catholiques sous contrat !

AC : L’Education nationale empiète de plus en plus sur les libertés pédagogiques de l’Enseignement catholique, surtout qu’elle prétend se mêler toujours plus d’éduquer (ou de rééduquer !) les consciences. Sa liberté pédagogique est amputée, comme ce fut le cas pour le gender, la réforme du redoublement ou du collège avec la fin du latin-grec etc. Le nouveau programme de SVT de 4ème organise ainsi un véritable viol des consciences. Le manuel d’Hatier demande ainsi aux élèves de se mettre personnellement dans la peau d’un médecin et de proposer la méthode de procréation artificielle la plus pertinente à un couple dont il connait la cause d’infertilité. L’intitulé officiel du programme sur la reproduction est explicite : « expliquer sur quoi reposent les comportements responsables dans le domaine de la sexualité : fertilité, grossesse, respect de l’autre, choix raisonné de la procréation, contraception, prévention des infections sexuellement transmissibles. » Il ne s’agit plus d’instruire objectivement mais de « formater » la conscience morale des mineurs.
Vous évoquez la liberté de choisir l’école de ses enfants. Mais celle-ci n’est pas respectée en France puisque le privé sous contrat est saturé, car il est cantonné à 20% des postes d’enseignants du public. Est-ce juste ?

AJ : Ce chiffre de 20% n’a pas de valeur légale. Il s’agit d’une pratique. Rien n’empêche de rééquilibrer les choses. Il faut aller dans cette direction. A Bordeaux ma politique consiste à viser l’égalité de traitement entre le public et le privé qu’il s’agisse du forfait communal ou de l’équipement numérique. Cela dit le clivage persiste et parfois de manière déchainée. Une partie de mon opposition – les Verts en l’occurrence – vote systématiquement contre.

AC : Oui, ces 20% sont profondément scandaleux. Au nom de quoi l’Etat organiserait-il la pénurie de places dans le privé alors que, selon les sondages, 60% des Français voudraient y scolariser leurs enfants ? Supprimer ce verrou des 20% ne rallumera pas la guerre scolaire. Les Français veulent pouvoir choisir.

AJ : Il y a aussi des établissements publics de qualité !

AC : Bien sûr mais les parents sont aussi titulaires d’un droit constitutionnel non négociable à choisir l’éducation et donc l’école de leurs enfants. Le droit à une éducation de qualité passe aussi par la faculté d’accéder à une école privée. Il ne faudrait pas que seuls les privilégiés puissent choisir. Les pauvres aussi doivent pouvoir scolariser leurs enfants dans une école catholique !

AJ : Une famille installée aux Aubiers, un quartier populaire de Bordeaux, ne raisonne pas comme cela.

Que pensez-vous de l’essor des écoles indépendantes qui ne reçoivent aucun argent public ?

AC : 93 écoles indépendantes supplémentaires ont ouvert cette rentrée, soit une croissance annuelle de 12% du nombre d’écoles! C’est une chance pour la France car ces écoles sont libres de leurs méthodes éducatives et pédagogiques et offrent donc une vraie alternative aux familles. Ces établissements n’ont pas peur de s’implanter au cœur des quartiers défavorisés. La carte scolaire et le verrou des 20% pour les écoles privées sous contrat génèrent de la désespérance. Les parents sont prêts aux sacrifices les plus fous – voire à l’instruction à domicile – pour trouver une école qui donne de bonnes chances de réussite à leurs enfants.

AJ : Il y a souvent un aspect religieux dans ce choix… Je connais un excellent imam à Bordeaux qui a ses enfants dans l’école catholique sous contrat. Tout simplement parce qu’il ne veut pas que sa fille soit obligée de quitter son foulard à l’école. Sans doute aussi est-il convaincu de la qualité de l’enseignement et de l’approche judicieuse du fait religieux dans le monde.

Quelle est la frontière entre l’égalité et l’égalitarisme ?

AJ : Pour moi l’école a pour mission de corriger les inégalités dès les petites classes. Pour autant je ne suis pas égalitariste et je conteste la nécessité de raboter les meilleurs. Moi-même je suis un pur produit de la méritocratie républicaine.

AC : Je partage votre goût pour la justice et moi aussi d’ailleurs je suis un pur produit de l’école publique et même de l’enseignement supérieur public ! Mais justement, le meilleur moyen de lutter contre les inégalités sociales est de rendre aux Français une école publique qui fonctionne, donc qui instruise. Il y a 40% d’enfants en échec en fin de CM2, et notre système est celui de l’OCDE dans lequel les origines sociales pèsent le plus sur la réussite scolaire. C’est bien la preuve que le politique égalitariste menée depuis 30 ans a échoué.

AJ : Je suis pour la personnalisation du parcours scolaire tout au long du parcours scolaire et dès la maternelle.

AC : Mais ça ne marche pas tant qu’on reste au sein de l’Education nationale ! L’idée est belle mais dans la réalité les syndicats s’opposent à toute différenciation des parcours. L’Education nationale n’arrive pas à tolérer en son sein de vraies libertés. Elle coule tout dans un moule identique, comme en témoigne la réforme du collège qui a étendu à tous les heures de soutien personnalisé!

AJ : Je n’ai pas l’intention de donner toutes les clés aux syndicats !

Quelle est votre définition de la laïcité dans le champ scolaire ?

AJ : Je suis très attaché à ce principe. Je veux parler de la séparation du spirituel et du temporel. Le fait de rendre à Dieu ce qui est à Dieu et à César ce qui est à César. Aucune religion ne peut imposer ses canons à la loi civile comme en Angleterre où certains tribunaux appliquent la charia dans les relations matrimoniales ! Cela je n’en veux pas en France ! Il y a aussi la liberté religieuse. Cet apaisement est capital. La République a fait cela avec les Juifs au XIXe siècle. L’Eglise catholique a fait le bras de fer avec la République jusqu’en 1905. Il a fallu Léon XIII pour en sortir. L’islam doit faire ce passage à son tour. L’islam qui reconnaît la République doit s’organiser. A Bordeaux si j’ai un problème je vais voir l’archevêque – avec lequel j’ai de bonnes relations – mais avec l’islam c’est plus compliqué. Tareq Oubrou ne représente que lui-même. Je lance un appel aux musulmans républicains pour que soit mise en œuvre une charte de la laïcité. Qu’est-ce que cela veut dire dans le domaine scolaire ? Dans l’enseignement public je suis favorable à l’interdiction des signes ostensibles. Ce sont de jeunes esprits qui n’ont pas encore leur liberté de jugement. Cela dit le foulard ne me semble pas un scandale à l’université. Aujourd’hui la question de l’islam se pose sur fond d’une grande tension. On devient fou. Je suis favorable à l’enseignement des religions à l’école. Cela relève du domaine de l’histoire. Moi je n’ai jamais entendu parler du Coran à l’école.

AC : Ce n’est plus le cas aujourd’hui : tous les élèves étudient l’islam en 5e depuis des années déjà !

AJ : A propos des écoles confessionnelles je ne suis pas pour « l’autorisation préalable » avant toute ouverture d’établissement que veut le gouvernement. Cela va rallumer une sorte de guerre scolaire. Moi je préconise d’en rester à la déclaration à condition de multiplier les inspections. Si l’école consiste à ânonner le Coran matin midi et soir ce n’est pas de l’enseignement !

AC : Nous ne sommes pas favorables non plus à l’autorisation préalable. Plus la marche sera haute pour ouvrir une école, plus il y aura des écoles musulmanes clandestines, soustraites à tout contrôle. Le gouvernement n’a pas pris la peine d’étudier les conséquences de cette réforme avant d’en faire l’annonce.

Pourquoi faut-il enseigner le récit national à l’école ?

AJ : Je suis content que vous ne me parliez pas de roman national. L’histoire est une science, une science humaine j’entends. C’est aux historiens d’écrire l’histoire et pas à l’Assemblée nationale ni aux partis politiques. Bien entendu on peut donner des orientations pédagogiques, les grandes dates, et les grands personnages. Nul besoin pour cela d’inventer un roman national : notre histoire est riche et belle. Enseignons-la avec fierté, au lieu d’enseigner une histoire de la repentance.
L’enseignement de l’économie souffre d’ailleurs de la même caricature quand on présente le capitaliste avec un cigare et un gros ventre ! Les programmes étaient presque marxistes il y a quelques années…

AC : Tout à fait d’accord, ce qui signifie qu’il faut en finir avec l’instrumentalisation mémorielle de l’enseignement de l’histoire. Le cours d’histoire est destiné à faire connaître et aimer la France telle qu’elle est, non pas à apprendre aux enfants à battre la coulpe de leurs ancêtres. Il y a aussi l’enjeu du choix des manuels scolaires. Seuls les grands éditeurs peuvent placer leurs produits. Et le choix du manuel sera examiné à la loupe par les inspecteurs, ce qui pousse les enseignants à des choix peu audacieux. Ceux qui plaisent le plus aux syndicats sont finalement choisis. Et les syndicats sont marxisants…

AJ : Je suis optimiste. Mon projet pour l’école, qui n’a rien de gauchiste, a recueilli de nombreux soutiens dans le milieu enseignant.

Quelle autonomie pour les établissements scolaires ?
Vous proposez la totale maîtrise de la dotation horaire par les établissements, qu’entendez-vous par là ?

AJ : Le plus important est d’affirmer l’absolue nécessité de décentraliser notre système beaucoup trop jacobin, sans gestion moderne des ressources humaines, où l’on veut imposer partout exactement les mêmes modules. Je plaide pour cette déconcentration et une très large autonomie. Je sais que ce mot séduit, parce qu’il est synonyme de liberté et de dynamisme, mais qu’il fait peur aussi. Les professeurs ont une sainte peur de se retrouver caporalisés par un chef d’établissement qui serait le seul maître à bord. Je propose de créer un conseil éducatif d’établissement composé d’une dizaine de professeurs élus par leurs pairs, qui donnerait son avis sur le choix du chef d’établissement à partir des propositions du recteur ainsi que sur celui des professeurs car nous avons besoin de davantage de postes à profil (choisis en fonction du projet d’établissement, ndlr). Ce conseil serait gestionnaire de la dotation horaire globale en choisissant plus ou moins d’heures de maths, de français ou de langue en fonction des besoins. Tout cela serait encadré par un contrat d’objectif passé avec le recteur. J’ajoute que ce système serait proposé aux établissements sur la base du volontariat.

AC : Il faut aller plus loin et confier au Conseil d’administration de chaque école le recrutement du directeur, sans intervention du rectorat. Tous les professeurs (et non une partie) doivent être recrutés par le directeur, à partir de leur libre candidature et non des recommandations de l’Education nationale. Avec évidemment un système d’évaluation responsabilisant. C’est la question la plus délicate si l’on ne veut pas encourager à un bachotage étroit (le désastreux teaching to the test). Une vraie évaluation doit être indépendante, et non pas réalisée par le Ministère de l’Education nationale, manifestement juge et partie. Il convient aussi d’alléger le socle commun des connaissances qui est trop détaillé et prescriptif, pour revenir à des objectifs clairs et ramassés , sans jargon, qui laissent toute liberté sur la progression pédagogique pour les atteindre. L’Etat doit cesser de donner d’une main une marge de manœuvre qu’il reprend de l’autre, en imposant des thèmes d’étude, des collaborations, voire des problématiques obligatoires.

AJ : Sur ce dernier point je vous rejoins totalement. Mais sur la liberté totale de recrutement des enseignants, ce serait sûrement dans une phase ultérieure…

AC : Le problème, c’est que la cohabitation des enseignants recrutés « sur profil » (donc recrutés librement) avec les enseignants recrutés classiquement par l’administration a été déjà testée en Zone d’Education Prioritaire et qu’elle ne marche pas ! C’est plus efficace de changer complètement que de rester dans l’entre-deux.

AJ : Ce qui est facile, c’est surtout de mettre l’Education nationale à feu et à sang. C’est une préoccupation qu’il faut avoir sur la faisabilité de la réforme. En revanche sur la nécessité de ne pas mettre dans le socle obligatoire tout et son contraire je vous rejoins totalement : il faut revenir à une définition de ce qu’on appelle vraiment les savoirs fondamentaux alors qu’aujourd’hui, on a plutôt tendance à l’élargir de tous les côtés.

AC : J’ai quand-même la conviction que vous serez obligé d’instaurer le recrutement libre de tous les professeurs, pour que votre réforme soit utile, sinon les efforts de ceux qui sont recrutés sur profil seront annihilés par ceux qui n’ont pas choisi d’être là. Pour qu’un établissement ait une âme, il faut que son chef puisse recruter librement un corps professoral soudé, qui accorde une pleine confiance au projet pédagogique et à la personne du directeur. C’est indispensable pour garantir la cohérence éducative de l’école.

AJ : Cela peut être considéré comme une demi-mesure ou comme un big bang, qui par définition, est amené à se projeter dans l’avenir. Si on propose tout de suite cette liberté de recrutement à 100%, ça ne passera pas. Je note que dans les écoles sous contrat principalement catholiques, il existe la possibilité de se prononcer sur le recrutement d’un enseignant, même s’il n’y a pas une liberté totale.

AC : Il y a les principes et la réalité. A part dans le diocèse de Paris, les établissements sont contrat n’ont pas la maîtrise de leur recrutement. La pénurie d’enseignants, par exemple en mathématiques ou en allemand, aggrave encore la situation. L’urgence est de rendre de nouveau attractif le métier de professeur. Il n’est pas rare que les vacataires soient d’un meilleur niveau que les titulaires récemment sélectionnés sur concours, en particulier ceux recrutés par l’académie de Créteil. Le recrutement sur concours n’est plus une garantie de qualité. L’autre défi est la carte scolaire. Si vous réalisez des évaluations dont vous publiez les résultats, vous engendrerez une explosion du nombre de demandes de dérogation à la carte scolaire, personne ne voulant laisser son enfant dans un établissement aux piètres résultats. Mieux vaut accorder le libre choix de l’école publique aux Français, et en finir avec cette carte scolaire qui condamne les enfants des quartiers les plus défavorisés à fréquenter les moins bonnes écoles.

AJ : La liberté totale peut théoriquement débloquer le système, mais elle peut aussi nous mener à la catastrophe. Je pense qu’avant de supprimer la carte scolaire, il faut améliorer la qualité des établissements, sinon les meilleurs seront pris d’assaut et les moins bons exploseront. Poussons d’abord les moins bons à s’améliorer. J’y vais progressivement et méthodiquement plutôt que de risquer un grand pschitt.

AC : La réforme – pour réussir- doit associer impérativement plusieurs éléments simultanément, même s’il faut bien sûr gérer la transition. On peut ainsi donner la tutelle d’une école publique défaillante à une autre école publique dont les résultats sont excellents, pour recréer de la confiance et éviter la fuite des parents.

Propos recueillis par Samuel Pruvot et Clotilde Hamon

*Mes chemins pour l’école, JC Lattès, 2015.
*Pour voir ce qu’est un programme minimaliste, voir les programmes d’antan : http://jl.bregeon.perso.sfr.fr/Programmes.htm Pas de jargon. Juste l’essentiel.

Retrouvez l’article en ligne sur le site de Famille Chrétienne
http://www.famillechretienne.fr/famille-education/enseignement/debat-juppe-coffinier-peut-on-liberer-l-ecole-205374

hirsch_cover_webLe chercheur américain E. D. Hirsch, de l’université d’Harvard vient de publier un nouvel essai, Why Knowledge matters, dans lequel il développe la théorie qui lui est chère : l’enseignement le plus à même de structurer une société, et de donner ses chances à tous, est l’enseignement classique fondé sur l’acquisition des connaissances de base. Il oppose ainsi l’éducation du contenu (content-based) à l’éducation des compétences (skill-based), illusion progressiste qui laisse trop d’élèves sur le bord de la route, comme le démontre cruellement la faillite du système scolaire français depuis qu’il est régi par les thèses de Pierre Bourdieu et qu’il pourfend l’acquisition verticale des connaissances.

Quand un Américain dénonce avec bon sens le pire de la pédagogie… venue d’Amérique.

Retrouvez l’article de Gaspard Koenig en intégralité sur:
http://www.lesechos.fr/idees-debats/editos-analyses/0211356920527-comment-la-france-a-sabote-son-ecole-2032336.php#

hc3b4pital-boucicaut-c3a9cole-parisL’Education nationale met en place à Paris un algorithme alambiqué, afin d’affecter arbitrairement les élèves en collège selon des critères sociaux.
A la rentrée 2017, tous les Parisiens qui scolarisent leurs enfants dans l’enseignement public seront directement impactés par cette mesure.
Un billet d’humeur de Charles Beigbeder dénonce une nouvelle lubie, destinée à décréter arbitrairement une mixité sociale artificielle, à rebours de la liberté de choix des parents de scolarisation de leur enfant.

Pour aller plus loin :
http://tempsreel.nouvelobs.com/education/20160913.OBS7951/affectation-en-6e-a-paris-des-changements-tres-prudents.html

Photo FEP
Dans un essai publié chez Seuil (Le désastre de l’école numérique), l’ingénieur et essayiste Philippe Bihouix et l’enseignante Karine Mauvilly tirent la sonnette d’alarme devant la « numérisation » de l’enseignement, prévue en particulier pour être accélérée par la réforme du collège entrant en vigueur à la rentrée 2016.

Derrière cette tendance, une illusion : celle de penser que c’est la technologie qui va enrayer l’échec scolaire.

Sans appeler à un utopique retour en arrière, ils prônent une école libérée des écrans. Sans cela, ils nous dépeignent un horizon dangereux pour les élèves comme pour leurs enseignants :

« L’école numérique, c’est un projet de déconnexion toujours plus grande de l’homme d’avec son milieu naturel. Nous allons élever des enfants «hors-sol», comme nos tomates insipides! Avec le numérique, on ne promeut plus l’effort : face au découragement, l’école doit devenir ludique, gamifiée, l’enseignement doit être fun, les profs sympas. On ne laisse plus de place au hasard, à l’ennui, à l’apprentissage de la patience, de la lenteur, de la réflexion : tout doit devenir rapide, efficace, on veut tout, et tout de suite. L’école doit se consommer, comme le reste. Et tant pis pour les futurs poètes que l’ennui guidait parfois vers le ballet des feuilles d’automne. L’école moderne doit former des managers ou des chauffeurs «uberisés», pas des poètes. »

Retrouvez leur interview passionnante sur Libération.