L’enseignement des savoirs fondamentaux : faire confiance aux enseignants pour améliorer leurs pratiques et innover avec succès.
La place des enseignants dans l’apprentissage des savoirs fondamentaux.
La réussite scolaire de chaque enfant est conditionnée par sa maîtrise des savoirs fondamentaux : lire, écrire et compter. Cet objectif prioritaire de l’éducation doit émerger dès la maternelle pour perdurer en école élémentaire. En effet, l’apprentissage des savoirs fondamentaux est capital dès la maternelle, pour assurer la suite de l’éducation et limiter les risques de décrochage scolaire. Pour permettre cet enseignement dès la maternelle et garantir la continuité avec l’école élémentaire, l’investissement pédagogique et humain des enseignants est déterminant.
Le rôle décisif de l’enseignant au sein des écoles indépendantes.
Les écoles alternatives partagent toutes le même objectif : aider chaque enfant à développer tout son potentiel. Au sein de ces établissements, l’enseignant joue un rôle prépondérant dans l’éducation des enfants. Chargé de mener leur processus d’apprentissage, il est aussi garant de leur initiation aux savoirs fondamentaux.
Dans les écoles indépendantes, les enseignants accompagnent les élèves de la meilleure des manières : c’est-à-dire celle qui correspond spécifiquement aux besoins de chacun d’entre eux. Grâce à une pédagogie douce, qui s’adapte à l’enfant et ses capacités, l’enseignant lui transmet le goût d’apprendre. Chaque enfant ayant un rythme d’apprentissage différent, les enseignants des pédagogies alternatives sont formés à les encourager et respecter leur évolution, plutôt que de les brider ou les brusquer.
Pour pouvoir être aidé, l’enfant a besoin que son enseignant comprenne ses préoccupations. Grâce à un accompagnement bienveillant et une écoute attentive, ils créent ensemble une relation de confiance, donnant lieu à un cadre plus apte à l’apprentissage.
Comment former et faire évoluer nos enseignants ?
La réussite scolaire des élèves, qu’ils soient dans une école indépendante ou une école dite « du système classique », passe donc par la qualité du travail de leur enseignant, et ce dès la maternelle. L’importance de la formation des enseignants est donc capitale, au cours de leurs études, mais aussi tout au long de leur carrière.
A l’heure où de nombreux enseignants souffrent dans l’exercice de leurs fonctions et manquent de formation, l’enjeu majeur est de leur redonner espoir et confiance dans leur métier : en les accompagnant dans leurs méthodes d’enseignement et en leur donnant la possibilité et la liberté d’innover, créer, pour un système éducatif de qualité.
Pour former les enseignants, la Fondation pour l’école a créé son propre institut : l’Institut Libre de Formation des Maîtres, qui enseigne 70 modules de formations.
Reconnue d’utilité publique, la Fondation pour l’école œuvre pour que chaque enfant puisse accéder à une école lui permettant de développer toutes ses capacités. Elle soutient les innovations pédagogiques qui renforcent l’efficacité du système éducatif.
Parmi ses actions en faveur de la liberté scolaire, la Fondation organise chaque année le salon LIBSCO – le salon de l’innovation pédagogique. Cette journée, qui a lieu le 8 octobre 2022 – de 09h à 18h – à l’espace Charenton à Paris et en distanciel, s’adresse à tous les parents et professionnels de l’éducation. Cette année, le thème du salon est « L’enseignement des savoirs fondamentaux : quelles méthodes et quelles pédagogies pour aider les enfants à apprendre à lire, écrire, compter et s’exprimer ? ».
Le Salon est gratuit et accessible à tous !
Vous vous intéressez aux initiatives des acteurs de l’éducation ? N’hésitez pas à venir vous inspirer et nous rencontrer à l’occasion de cet événement.
L’éducation constitue le premier défi pour les démocraties et le levier le plus efficace pour la sortie de la crise qu’elles traversent et qui n’a pas d’équivalent depuis les années 1930. Elle est en effet clé pour la productivité, qui dépend du capital humain dans une économie de la connaissance, pour la cohésion sociale et la réduction des inégalités, pour la citoyenneté, la confiance dans les institutions représentatives et la résistance aux tentations autoritaires.
L’effondrement du système éducatif français constitue dès lors un obstacle majeur à la reconstruction de notre pays et l’une de ses faiblesses les plus inquiétantes pour l’avenir. Sa crise est désormais systémique. Elle touche ses performances, avec le recul depuis 2000 dans le classement Pisa des 15 et 11 rangs en lecture et en mathématiques aux 23e et 25 rangs: 40 % des enfants ne maîtrisent pas en sixième les bases de la lecture, de l’écriture et du calcul. La dégradation est aussi nette dans l’enseignement supérieur, où elle s’accompagne d’un déclassement de la recherche avec la chute de la 5e à la 12e place mondiale pour les publications les plus citées.
Après l’abandon des humanités et des langues anciennes, ce sont l’ensemble des filières d’excellence qui ont été liquidées
Nicolas Baverez
Les causes de la débâcle éducative française ne sont pas à chercher dans le manque de moyens mais dans leur mauvaise utilisation au service d’une organisation obsolète. La France consacre au total 6,7 % de son PIB à l’éducation, ce qui est au-dessus de la moyenne des pays développés. Mais l’enseignement scolaire absorbe 5,2 % du PIB contre 4,9 % dans l’OCDE, tandis que l’effort pour l’enseignement supérieur est limité à 1,5 % du PIB pour 2,7 millions d’étudiants – contre 1,7 % du PIB au Royaume-Uni et 2,5 % aux États-Unis -. Les véritables raisons, comme l’a indiqué la Cour des comptes, résident dans la centralisation paralysante du système et l’absence d’autonomie des établissements, dans l’archaïsme et la rigidité du statut des enseignants, dans les insuffisances de l’évaluation.
Les réformes effectuées durant le quinquennat d’Emmanuel Macron ont eu des effets très contrastés et ont plutôt aggravé la situation. Deux sont excellentes: le dédoublement des classes en CP dans les zones prioritaires et la spectaculaire relance de l’apprentissage. Elles ne parviennent pas à compenser la calamiteuse réforme du lycée qui a fait éclater les classes et a détruit l’enseignement des mathématiques et des sciences: seuls 37 % des lycéens de terminale suivent encore des cours de mathématiques, dont les heures ont diminué de 18 % dans l’ensemble du secondaire. Après l’abandon des humanités et des langues anciennes, ce sont l’ensemble des filières d’excellence qui ont été liquidées, avec pour effet le tarissement des recrutements des classes préparatoires, et donc la disparition à terme des grandes écoles. Enfin, la forte augmentation des rémunérations des enseignants a été accordée sans aucune contrepartie en termes d’amélioration de temps de travail, de fonctionnement en équipes pédagogiques ou de présence dans les établissements.
Longtemps masquées, les conséquences de la déconfiture éducative apparaissent au grand jour. Les démissions d’enseignants se multiplient, aggravant la difficulté croissante à attirer les talents, notamment dans les matières scientifiques. La productivité de l’économie, et donc la croissance, est condamnée à stagner alors qu’un emploi privé sur deux est occupé par un salarié ne disposant pas des compétences suffisantes. L’illettrisme et l’innumérisme se répandent dans la société, accentuant le décrochage face aux démocraties d’Amérique, d’Asie ou d’Europe du nord.
Le temps n’est plus aux ajustements à la marge mais à une transformation radicale autour de six grands principes. Une loi de programmation associant meilleure efficacité de la dépense dans le scolaire et réinvestissement dans le supérieur à hauteur de 2 % du PIB en contrepartie de la libéralisation des droits d’inscription ; la reconnaissance de la pleine autonomie des établissements et des universités ; le déplafonnement de l’offre de l’enseignement privé sous contrat de l’école maternelle au lycée, limitée à 20 % alors qu’il affiche des performances très supérieures à recrutement et territoire identiques ; le renforcement de la formation des enseignants et l’annualisation de leurs heures de service ; la réhabilitation du travail, de l’excellence et du mérite ; la défense de la liberté académique définie par le respect de l’objectif du savoir et de la démarche scientifique.
Leibnitz affirmait à raison que «l’éducation peut tout: celui qui en est maître peut changer la face du monde». Elle constitue plus que jamais l’investissement le plus productif pour une nation et le meilleur moyen de repositionner la France parmi les puissances du XXI siècle.
Le sociologue Clément Reversé analyse le phénomène du décrochage scolaire en milieu rural.
En 2010, la France a signé les engagements européens intitulés « Europe 2020 » dont l’un des objectifs était de faire passer le taux de décrochage scolaire sous la barre des 10 % pour 2020. C’est-à-dire que moins de 10 % des jeunes quittent leur formation avec un niveau inférieur à celui du CAP-BEP. En 2019, le taux de décrochage scolaire se situait à 8 %.
Si, bien entendu, la lutte contre ce phénomène a comme objectif premier la réduction des inégalités entre les élèves, elle constitue également un enjeu social et économique. Un rapport de 2014 estime le « coût » du décrochage d’un élève à 230 000 € sur une vie, ce qui équivaudrait pour à un « coût » annuel pour l’État de l’ordre de 30 milliards.
Au niveau individuel l’enjeu est également grand, et cela malgré l’inflation du niveau de diplôme. Les chiffres de l’Insee de 2021 indiquent que le taux de chômage 1 à 4 ans après la sortie du système de formation est de 48 % pour les non-diplômés contre 11 % chez les détenteurs d’un diplôme de niveau bac+2 ou supérieur.
Les mesures prises pour lutter contre le décrochage scolaire laissent pourtant apparaitre un clivage important entre les espaces urbains et les espaces ruraux, moins densément peuplés et marqués par l’éloignement aux services. L’absence d’écoles d’écoles de la deuxième chance, d’Établissements pour l’insertion dans l’Emploi (EPIDE), ou tout simplement la moins forte concentration en dispositifs liésaux Missions Locales font apparaitre ces inégalités territoriales.
Des territoires de réussite
Plus qu’une question d’accès à ces structures, les décrocheurs ruraux sont désavantagés par des mesures reposant sur une perception très urbanocentrée des marqueurs du risque du décrochage scolaire, puisque basées sur des recherches faites en ville.
Nous ne disposons effectivement que de très peu d’indicateurs sur les causes, conséquences et modalités du décrochage scolaire au sein de ces espaces qui regroupent pourtant, comme le montre Joël Zaffran, près d’un cinquième des effectifs des décrocheurs scolaires. Des prérogatives politiques concernant la lutte contre le décrochage scolaire mettent pourtant bien en avant la nécessité d’un pilotage par les régions, mais l’aspect rural des espaces n’est pas pris en considération.
Les études pointent une corrélation claire entre une origine sociale plus modeste et une plus faible réussite scolaire ainsi qu’un plus fort taux de décrochage scolaire. Si les espaces ruraux incluent plus d’employés et d’ouvriers et moins de cadres et de professions intellectuelles supérieures que les villes, ils déjouent les prévisions. Le rapport de 2018 de l’IGEN et de l’IGAENR sur l’éducation rurale montre que les élèves y ont des résultats légèrement supérieurs aux urbains à l’entrée au collège et qu’ils ne souffrent en définitive pas réellement de manques, de retards ou de déficits liés à leur éducation.
Plusieurs éléments ont été invoqués par la sociologie pour expliquer ces résultats. D’abord, une implication familiale importante dans la vie éducative des enfants, ainsi qu’une plus grande confiance entre parents et enseignants, notamment rendue possible par des interconnaissances plus fortes dans ces espaces. Ensuite, la petitesse des effectifs dans les classes et la plus forte présence de classes multiniveaux permettant d’apporter plus de temps par élève et de favoriser le développement.
Les espaces ruraux ne sont donc pas des espaces de « manques » culturels ou éducatifs et semblent même limiter les difficultés de certains élèves. Notons également qu’ils manifestent une forte correspondance entre formation, emploi et territoire, avec une orientation plus importante vers des études plus courtes et plus professionnalisantes qu’en ville.
Toujours selon l’IGEN et l’IGAENR nous pouvons observer que 61 % des élèves ruraux se trouvent dans une filière de bac pro contre 39 % en ville. Cette orientation plus courante vers ces filières fait que les jeunes ruraux se sentent moins dévalués par de tels cursus dans un milieu où réside pour beaucoup une forme d’« évidence » d’un parcours scolaire court et professionnalisant.
Le milieu rural n’est donc pas un milieu propice au décrochage scolaire, puisque ses particularités éducatives et la plus grande fréquence d’orientations professionnalisantes semblent apporter une certaine résistance à ce phénomène. Ceci explique ainsi pourquoi les jeunes ruraux représentent un quart de la population jeune du territoire national et seulement 17 % des décrocheurs en France.
Des signaux complexes à repérer
En réalité, ce qui rend le décrochage scolaire en milieu rural problématique c’est la forme que ce dernier prend et la difficulté de mettre en œuvre une politique de prévention adaptée. En milieu rural, comme ailleurs, le décrochage scolaire est l’aboutissement d’un processus long de distanciation avec sa scolarité, très fréquemment motivé par un souhait d’insertion rapide sur le marché de travail.
Chez les jeunes ruraux qui décrocheront, l’attirance du monde du travail est la motivation principale qui est mise en avant pour justifier l’acte du décrochage scolaire. En somme, celui-ci est perçu comme une voie d’accélération vers l’indépendance de la vie adulte.
Hormis cette volonté d’insertion professionnelle très importante dans l’acte du décrochage scolaire, c’est la discrétion et le caractère abrupt du décrochage scolaire rural qui le rend particulier. La sociologie propose généralement deux types de comportements qui semblent indiquer un risque élevé de décrochage scolaire :
des comportements « internalisés », qui correspondent à de la dépression, des tentatives de suicide, de l’automutilation ou encore une faible estime de soi ;
des comportements « externalisés », comme la rébellion, la violence, les retards fréquents et surtout un crescendo de l’absentéisme.
Or, afin de déceler les risques de décrochage scolaire et de faire un travail de lutte en amont, ce sont principalement les comportements externalisés – plus visibles – qui sont mobilisés comme marqueurs d’un potentiel décrochage scolaire.
La difficulté lorsque l’on s’intéresse au phénomène du décrochage scolaire en milieu rural est alors la faible fréquence de ces comportements, et notamment de l’absentéisme. Si les comportements intériorisés sont tout aussi fréquents qu’en ville, les actes de rébellion et surtout la distanciation physique de l’école sont bien plus rares dans des espaces marqués par l’éloignement et où l’école reste le centre névralgique des relations et pratiques juvéniles.
L’espace rural étant plus difficile à s’approprier pour des jeunes ayant peu, voire pas de moyen de déplacement, les élèves ruraux – et les futurs décrocheurs – présentent bien moins souvent ce type de comportements mobilisés pour déceler le risque d’abandon scolaire.
Le décrochage de ces jeunes n’est pas l’aboutissement d’un crescendo de l’absentéisme comme en ville, mais a plutôt lieu lors de vacances, après lesquelles ces jeunes ne reviennent tout simplement pas en cours. Très souvent, un refus dans son choix d’orientation, un mauvais bulletin ou un redoublement sera l’élément déclencheur du décrochage, mais sans que l’élève ait exprimé des comportements externalisés en amont.
Ce que montre ce phénomène, c’est l’absence de politiques claires et dédiées aux espaces ruraux en matière de repérage des risques de décrochage scolaire, mais aussi en matière de remédiation alors qu’aujourd’hui les institutions en charge du raccrochage sont toutes – ou presque – en ville.
Ce décrochage invisible est inquiétant puisque, bien que les travaux de Joël Zaffran semblent indiquer une insertion professionnelle meilleure à la campagne qu’en ville pour les non-diplômés, les espaces ruraux sont très loin d’être exempts des phénomènes de vulnérabilité liés à l’absence de diplôme. Il est donc nécessaire de prendre en compte les caractéristiques spatiales du phénomène de décrochage scolaire afin de poursuivre une lutte efficace sur l’intégralité du territoire.
S’intéresser aux comportements intériorisés comme la faible estime de soi ou les violences autocentrées sont une piste intéressante à étudier et marquent le caractère complexe et polymorphe que doit prendre aujourd’hui la lutte contre le décrochage scolaire sur l’ensemble du territoire national.
Décollage en cours pour les écoles de production Abonnés
Longtemps ignorées, ces écoles forment des jeunes en situation d’échec scolaire à un métier. Elles se multiplient et une centaine devraient être opérationnelles en 2025.
Un article paru dans le journal La Croix, consultable ICI
Il n’est jamais trop tard pour grandir. Les écoles de production, fondées en 1882 par l’abbé Boisard, font aujourd’hui l’objet d’un engouement inédit. La 42e a été inaugurée au Havre, lundi 8 novembre, dans des locaux mis à disposition par la métropole. Elle va former des jeunes de 15 à 18 ans aux métiers de la chaudronnerie, avec un CAP puis un Bac pro à la clé, qui auront l’assurance de trouver un emploi à la sortie.
« Les entreprises ont beaucoup de mal à recruter dans notre secteur et elles sont séduites par notre mode de fonctionnement, avec des promotions d’une douzaine d’élèves seulement qui sont motivés et apprennent en travaillant », explique Stéphane Lelièvre, le directeur de l’école du Havre, lui-même ancien patron de PME. Les deux tiers du temps, soit vingt-quatre heures par semaine, sont consacrés aux travaux pratiques.
Une centaine d’écoles ouvertes en 2025
Dans les écoles de production, privées, les jeunes, dont la plupart n’ont pas trouvé leur voie dans le système scolaire traditionnel et se retrouvent en situation d’échec, réalisent des pièces directement commandées par des entreprises, facturées au prix du marché. Un système à mi-chemin entre le lycée professionnel et l’apprentissage, qui a fait ses preuves, en affichant des taux de réussite aux examens bien supérieurs.
D’ici janvier, trois autres écoles devraient voir le jour. Et ce n’est pas fini. En mai, le gouvernement a lancé un appel à manifestation d’intérêt (une procédure d’appels d’offres) pour doubler le nombre d’écoles d’ici à 2023. En tout, 45 dossiers ont été constitués. Même Dominique Hiesse, le dynamique président de la Fédération nationale des écoles de production (FNEP) n’en revient pas. « Nous devrions atteindre la centaine d’écoles dès 2025 », assure-t-il.
Le soutien de TotalEnergies
C’est bien plus tôt que prévu. En 2018, la fédération a signé un partenariat avec la fondation TotalEnergies pour créer 100 écoles d’ici à 2028, avec un soutien financier de 60 millions d’euros sur la période. Une aide décisive qui a permis de porter plus de projets, « en finançant les études de faisabilité, en aidant à la recherche de partenaires locaux et en soutenant les écoles au démarrage, à travers notamment l’achat des machines », détaille Manoelle Lepoutre, directrice de l’engagement à la Fondation TotalEnergies.
Depuis trois ans et avec 10 millions d’euros déjà investis, l’énergéticien a soutenu la création de 18 nouvelles écoles dans les métiers de l’usinage, de la mécanique industrielle ou encore de la métallerie ainsi que l’extension de 10 écoles existantes. « Il y a en France un problème d’insertion des jeunes dans la vie professionnelle. Nous tentons d’apporter une solution à notre échelle, car comme toutes les grandes entreprises nous devons participer à la vie de la cité », explique Patrick Pouyanné, le PDG de TotalEnergies. Le groupe a d’ailleurs décidé de changer la dénomination de sa fondation qui devrait bientôt s’appeler Fondation TotalEnergies pour la jeunesse.
Une reconnaissance officielle
Pour les écoles de production, l’argent n’est pas le seul nerf de la guerre. Il y a aussi le nouveau regard porté sur elles par les pouvoirs publics. En 2018, les écoles de production ont ainsi été reconnues officiellement par l’État comme une des voies de la formation professionnelle. « Au sein du ministère du travail, qui est notre autorité de tutelle, il y a clairement aujourd’hui la volonté de soutenir tous les dispositifs permettant de remettre les jeunes dans le circuit de l’emploi, relève le président de la FNEP. Des fédérations professionnelles qui ne nous connaissaient pas ou mal viennent également nous voir. »
L’Éducation nationale freine encore
Il existe encore cependant beaucoup de réticences au développement des écoles de production. « Faire voter une subvention n’a rien d’évident. Par idéologie, certains élus considèrent toujours que la formation des jeunes relève de la sphère publique et que les entreprises n’ont rien à y faire », souligne Jean-Baptiste Gastinne, le vice-président de la région Normandie.
Mais le plus gros frein reste encore celui du ministère de l’éducation nationale, qui voit lui aussi d’un mauvais œil l’essor de ces nouvelles structures, comme viennent d’ailleurs le rappeler plusieurs députés lors de la discussion budgétaire, en l’appelant à plus d’ouverture d’esprit.
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Les dates clés
1882. Louis Boisard, un jeune ingénieur de l’École centrale, crée les Ateliers d’apprentissage de l’industrie dans le quartier de la Guillotière à Lyon. Durant un siècle, le mouvement se cantonne à la région Rhônes-Alpes.
2001. Ouverture d’une école de production à Toulouse puis à Marseille en 2007.
2006. Reconnaissance par l’État des 7 écoles existantes comme « établissements privés d’enseignement technique participant de manière utile et efficace au service public de l’enseignement professionnel ».
2018. Les écoles de production sont reconnues dans l’article 25 de la loi du 5 septembre « pour la liberté de choisir son avenir professionnel ».
TRIBUNE – La Fondation iFrap publie, d’ici au premier tour de la présidentielle, dix études sur les sujets prioritaires du prochain quinquennat. Aujourd’hui, pour la deuxième de ces études, la directrice générale du think-tank libéral expose les mesures préconisées en matière d’éducation.
La question éducative sera au cœur des débats pour la présidentielle de 2022. On nous dit que la France décroche, que nous sommes mal classés? La France se place, dans le classement Pisa, à la 23e place sur 82 en lecture, 25e place sur 82 en mathématiques et en sciences. Selon les chiffres du ministère, un jeune Français sur dix est en difficulté de lecture. Certains pensent que nos problèmes de résultats scolaires viennent d’un manque de moyens et proposent d’augmenter les dépenses et les salaires des enseignants. Et si le sujet était plutôt celui d’une d’allocation des moyens plutôt que d’un manque de moyens?
Les évaluations nationales de 2019 sur les compétences des élèves montrent que ceux des écoles privées sous contrat ont de bien meilleurs résultats que ceux des établissements publics. 89,4 % des élèves de CM1 du privé maîtrisent bien le français contre 75,5 % dans le public, et c’est pire dans les établissements prioritaires REP et REP+, avec 54,9 % et 51,2 %. Des taux qui se confirment en sixième puisque, si 72,1 % des élèves du privé maîtrisent la compréhension et l’écrit en français, ils ne sont que 61,5 % dans le public hors éducation prioritaire (46 % en REP et 35,5 % en REP+).
La performance des élèves du privé est clairement meilleure selon les tests du ministère. Il est d’ailleurs dommage que les résultats bruts de Pisa ne soient pas différenciés entre le public et le privé. Pour y voir encore plus clair, il conviendrait d’ouvrir les données et de pointer les résultats établissement par établissement: on aurait alors sûrement des surprises, aux antipodes du storytelling de la Rue de Grenelle. Sur de nombreux territoires, en Bretagne ou en Pays de la Loire, l’offre d’enseignement privée est telle qu’on ne peut pas la soupçonner de sélection des élèves. Un manque de transparence que l’on retrouve sur la question budgétaire.
Dans le public, nous payons collectivement un surcoût de 2879 € de plus par élève et par an pour le premier degré public et un surcoût de 2883 € de plus par élève et par an pour le second degré public
En effet, il n’existe pas de budget établissement par établissement avec des données ouvertes aux citoyens qui permette de comparer les montants totaux dépensés par élève. On doit se contenter d’une comparaison de la dépense par élève (y compris la part payée par les parents) au niveau de la France. Si l’on compare ces données entre enseignement public et privé des premier (primaire) et second (collège et lycée) degrés, alors les chiffres sont édifiants: nous payons collectivement un surcoût de 2879 € de plus par élève et par an pour le premier degré public et un surcoût de 2883 € de plus par élève et par an pour le second degré public. Si tous les élèves de France étaient scolarisés dans le privé, on pourrait réaliser une économie en dépenses publiques d’environ 29 milliards d’euros par an.
Cet écart vient pour 6,1 milliards d’euros par an des rémunérations des enseignants du public par rapport au privé (les enseignants du privé touchent, en moyenne, un salaire net inférieur de 14,1 %) et pour 10,2 milliards des retraites plus généreuses des enseignants du public (calculées sur les six derniers mois) par rapport au privé (calculée sur les vingt-cinq meilleures années). Enfin, 13,1 milliards d’euros de ce surcoût sont issus de frais administratifs et de fonctionnement, supérieurs dans l’enseignement public par rapport au privé, dont 6 milliards de dépenses pour payer des agents publics «non enseignants». Cette surdépense vient notamment du fait qu’il y a un agent «non enseignant» pour 17 élèves dans le public contre un pour 24 élèves dans l’enseignement privé sous contrat.
Ces écarts entre dépenses d’éducation publique et privée se retrouvent aussi dans les comparaisons avec l’Allemagne. Loin de l’image répandue qui voudrait que l’on dépense beaucoup moins en France pour payer nos professeurs de l’enseignement public que nos voisins d’outre-Rhin, la France dépense plus que l’Allemagne par enseignant: le salaire moyen super brut (pensions incluses) d’un enseignant allemand étant de 76.628 € par an en moyenne contre 78.479 € pour un enseignant français. En cause? Le poids des contributions aux pensions deux fois plus élevées chez nous: 9,29 milliards d’euros de cotisations pour les pensions en Allemagne contre 18,76 milliards en France. Le sujet n’est donc pas le montant des moyens mis par la France dans l’éducation (au passage, nous dépensons près de 1 point de PIB de plus que les Allemands en dépense d’éducation), mais plutôt de comment ces moyens sont dépensés.
Si on se calait sur le même nombre de professeurs du public pour les premiers et seconds degrés en France qu’en Allemagne, on aurait environ 80.000 professeurs en moins, ce qui est tout à fait possible puisque environ 100.000 enseignants ne sont pas devant les élèves
Les professeurs allemands du collège et du lycée ont d’ailleurs, il faut le souligner, beaucoup plus d’obligations de permanences et de surveillance que les professeurs de France. Ils partent aussi plus tard à la retraite, travaillent un mois de plus sur l’année scolaire et sont obligés d’assurer jusqu’à 3 heures de remplacement par semaine. Les enseignants allemands du second degré assurent également 23 heures de cours par semaine et n’ont pas le droit de grève s’ils sont fonctionnaires. Ainsi, si on se calait sur le même nombre de professeurs du public pour les premiers et seconds degrés en France qu’en Allemagne, on aurait environ 80.000 professeurs en moins, ce qui est tout à fait possible puisque environ 100.000 enseignants ne sont pas devant les élèves (une économie potentielle de 6 milliards d’euros par an).
Forts de ces constats, il est temps de demander à l’occasion du débat présidentiel une réelle transparence à la fois sur les moyens alloués par établissement (toutes dépenses confondues: État, collectivités, parents) et les résultats de ces établissements aux tests internationaux ou aux tests du ministère.
Le blocage est tel sur ces données que la seule solution pour avancer et viser une bonne allocation des moyens éducatifs est de proposer de régionaliser totalement et le plus vite possible la gestion de la politique d’éducation, comme c’est le cas d’ailleurs en Allemagne. Il est temps aussi de donner l’autorité hiérarchique des chefs d’établissement sur tout le personnel intervenant dans leur établissement, de leur permettre de gérer un vrai budget et de recruter des professeurs. Pourquoi cette proposition de bon sens ne serait valable que pour la ville de Marseille?
Le bon sens serait aussi, étant donné le coût inférieur du privé et les meilleurs résultats de ses élèves, de permettre à tous les élèves qui le souhaitent de pouvoir être scolarisés dans le privé. La règle coutumière du 80/20, qui limite drastiquement l’offre privée sous contrat à 20 %, doit sauter.
À terme, ces réformes permettraient de rationaliser les dépenses d’éducation de 10 milliards d’euros par an tout en dégageant une enveloppe de 6 milliards d’euros pour permettre aux chefs d’établissements d’être de vrais chefs, aux manettes des évolutions de salaires de leurs équipes.
* Directrice de la Fondation iFrap, auteur de «La France peut-elle tenir encore longtemps?» aux Éditions Albin Michel.
Un article paru sur le site ToutEduc et reproduit avec l’aimable autorisation de son auteur
“De nombreuses initiatives ont été prises ces dernières années pour raccrocher les plus éloignés, mais il faut aller plus loin, revoir le système intégralement“, estime André Altmeyer suite à la publication du deuxième édition du Baromètre de l’éducation Apprentis d’Auteuil-OpinionWay publiée le 14 octobre.
Ces “attentes fortes de prise en compte de la jeunesse“ sont corroborées par les 80% des Français interviewés (environ 2500 personnes, ndlr) qui pensent que les politiques n’écoutent pas assez les jeunes.
Ils sont presque tout autant à penser que la jeunesse devrait constituer la grande cause nationale du prochain quinquennat. “Nous devons collectivement rester très vigilants, ajoute le directeur général adjoint d’Apprentis d’Auteuil, trop de jeunes traversent leur scolarité comme des passagers clandestins du système scolaire et finissent par le quitter sans diplôme ni qualification.., ils hypothèquent leur avenir… Sans prise en charge adéquate et individualisée, ce sont ces jeunes que l’on risque de retrouver parmi les jeunes ni en emploi, ni en études, ni en formation : les NEETs dans quelques années“.
Selon la fondation caritative catholique, pour qui en France 12,9 % de jeunes de 15 à 29 ans ne sont ni en emploi, ni en études, ni en formation, “les premiers signes du décrochage scolaire sont souvent identifiés autour des vacances de la Toussaint chez les élèves. Ces situations de décrochage scolaire ont des conséquences individuelles, familiales et sociétales dramatiques“.
Se dessinerait ainsi un “sentiment d’échec scolaire grandissant“ au regard des 17 % de jeunes sondés se déclarant en difficulté scolaire (décrochage / échec / difficultés). Tout comme eux d’ailleurs, 61 % des parents ont le sentiment que l’échec scolaire est en augmentation. La famille est considérée comme l’une des principales causes de l’échec scolaire : 29% des parents déclarent avoir fini par totalement baisser les bras face aux difficultés scolaires de leur enfant.
Le système éducatif est désigné comme deuxième cause pouvant engendrer le décrochage scolaire. Ils sont ainsi 43 % de jeunes à considérer que le système scolaire “n’aide pas à donner confiance/ à valoriser les talents et compétences des élèves“, et 54 % disent avoir déjà vécu des violences à l’école (verbales, morales, sexuelles, physiques …), un taux qui grimpe à 78% chez les jeunes en difficulté. A noter le rôle important de l’hygiène de vie des jeunes dans l’échec scolaire (temps passé devant les écrans, manque de sommeil) ainsi que le contexte de Covid qui aggravé la situation de près de 85 % de jeunes déjà fragiles (sentiment d’isolement, état psychologique).
Les écoles « différentes », c’est-à-dire celles dont le projet se situe dans la filiation des pionniers de l’éducation nouvelle (Freinet, Montessori, Steiner, Freire, Oury…), ont en commun la mise en œuvre de méthodes actives et une approche globale des savoirs ; il s’agit de partir des intérêts et des questionnements de l’élève, une approche globale des savoirs, le respect des rythmes de chacun, le développement de l’autonomie et la responsabilisation.
Que ce soit dans le public ou dans le privé, en France, les écoles alternatives sont toujours restées minoritaires et à la marge des systèmes scolaires. Comment expliquer cette situation ?
Retour sur le contexte institutionnel
Tout d’abord, ces écoles et ces pédagogies ne bénéficient en France d’aucun soutien institutionnel. Dans le public, les écoles, collèges et lycées « différents », « expérimentaux », sont très peu nombreux. Comme nous l’avons montré dans une étude longitudinale, leur nombre est très stable sur la longue durée. Ainsi, les collèges et lycées « différents » de l’Éducation nationale étaient au nombre de 9 en 1983, et ils sont toujours 9 en 2021. Quant aux écoles primaires Freinet, il en existait 20 en 2001, 23 en 2013, et autant en 2021. Seules les structures alternatives pour les décrocheurs de plus de seize ans se sont multipliées depuis une décennie.
Certes, des établissements « différents » publics ont ouvert depuis quarante ans, mais dans le même temps, d’autres ont été fermés,
Quant aux écoles expérimentales publiques, elles sont pour la plupart d’entre elles fragilisées par des remises en cause et des tracasseries administratives. Ainsi, en juin 2019, la Fédération des établissements scolaires publics innovants avait alerté sur la situation subie par la majorité des structures expérimentales du second degré de l’enseignement public : non-renouvellement des postes ou non-nominations des enseignants formés à ces pédagogies, remise en cause des projets, fin des dispositifs spécifiques…
Dans le privé, les écoles hors contrat ne bénéficient d’aucune subvention, et la pression institutionnelle à leur égard s’est amplifiée. L’instauration de la loi Gatel en 2018 a rendu la création d’une école privée hors contrat plus longue et plus complexe en renforçant le contrôle du maire et des services de l’État au moment de l’ouverture et en élargissant la liste des motifs d’opposition. La loi « confortant le respect des principes de la République » adoptée en juillet 2021 a instauré la possibilité de fermer par simple décision administrative une école hors contrat.
Ainsi, dans le privé comme dans le public, les équipes porteuses de projets innovants se voient imposer des conditions de fonctionnement précaires et sont sans cesse aux prises à des demandes de « normalisation » qui épuisent et découragent les promoteurs de ces pédagogies.
Une conjonction de facteurs
Comment expliquer l’attitude des autorités publiques ? La réponse à cette question est complexe. Le blocage n’est pas dû, pour prendre une image, à un « gros caillou », mais à une multitude de « grains de sable ».
En premier lieu, la France est un pays de tradition centralisatrice et unitaire. En Belgique, en Flandre, chacun peut ouvrir une école à condition que le programme soit accepté par l’administration régionale et que les enseignants aient le diplôme requis ; l’école est alors subventionnée. Au Québec, un groupe de parents qui le souhaite a le droit – un droit établi dans la loi pour l’instruction – de demander la création locale d’une école alternative. Cela a permis l’ouverture de 7 écoles publiques différentes entre 2010 et 2016. En France, l’idée que les citoyens peuvent initier un projet d’école ne fait pas partie de nos habitudes culturelles.
Deuxièmement – mais ceci est lié à ce qui précède – l’attachement à l’idée d’égalité conduit souvent à penser que l’égalité des chances passe par un même enseignement dispensé à tous : tous les élèves français devraient suivre le même programme, avoir exactement le même nombre d’heures de mathématiques, entendre le même discours au même moment… Et ce, indépendamment de la variété des besoins, de la vitesse d’apprentissage, et des uns et des autres. L’idée que plusieurs chemins pourraient permettre de parvenir au même but n’est pas présente. Dans ce contexte, il n’y a pas de place pour la diversité éducative.
Troisièmement, la France est un pays où les exigences académiques sont fortes et où la priorité est donnée à la transmission du savoir. A l’opposé, dans les pays du Nord de l’Europe et les pays anglophones, le bien-être et l’épanouissement de la personnalité sont mis en avant en priorité. Ce constat est valable pour l’ensemble du système scolaire français, mais c’est pour la maternelle qu’il est le plus vif.
Depuis le milieu des années 1980, le jeu libre et la place des activités artistiques ne cessent de diminuer, les programmes sont toujours plus contraignants et plus axés sur les apprentissages fondamentaux, sur le modèle de l’élémentaire. Les textes officiels qui entrent en vigueur en septembre 2021 sont focalisés sur les disciplines (lire, écrire, compter…), avec des évaluations dès l’âge de 2-3 ans.
Un quatrième facteur explicatif est à chercher du côté de la formation des élites. Ces représentations sont particulièrement fortes chez les cadres de l’Éducation nationale, peu formés à accepter les « pas de côté ». Le mode de désignation de la hiérarchie joue dans ce sens. « Il y a bien vacances de postes, appel à candidatures, mais finalement les candidats les plus rénovateurs ne sont pas admis à concourir », affirmait Antoine Prost en 1998 à propos de l’inspection générale. Cela n’a pas changé depuis. Les membres de l’institution sont aussi d’anciens très bons élèves : ils leur est difficile de mettre en question un système qui leur a permis de réussir.
Des enjeux de représentation
Il y a une petite vingtaine d’années, nous avions écrit avec Marie-Anne Hugon un article analysant la faible diffusion des pédagogies différentes en France. Nous affirmions alors qu’elles étaient peu répandues parce qu’elles étaient très mal connues, notamment de la part des familles ; et que leur représentation dans l’opinion publique était souvent péjorative. Depuis, cette situation a nettement évolué.
Bande-annonce du documentaire « Être et devenir » sur le homeschooling.
L’essor des nouvelles technologies de l’information et de la communication leur a permis de se faire connaître très largement. La réalisation et la diffusion de vidéos, devenues plus faciles techniquement, ont permis de diffuser sous une forme plus accessible, à la fois un discours critique vis-à-vis du système scolaire (comme le montre par exemple le documentaire « Alphabet ») et une meilleure connaissance des alternatives – en témoigne, parmi d’autres, le succès du film « Être et devenir ».
Un mouvement en faveur d’une éducation plus respectueuse des enfants, dans un souci d’écoute et de respect de leurs besoins et de leurs émotions (« parentalité positive ») se développe, et favorise aussi la recherche d’une forme scolaire plus bienveillante. Dans un contexte d’accentuation du consumérisme scolaire et de défiance croissante à l’égard de l’École où rechercher le « meilleur » établissement pour son enfant est devenu la norme, un nombre croissant de familles souhaitent que leurs enfants puissent bénéficier des pédagogies nouvelles.
Du côté des enseignants, il est plus difficile de mesurer à quel point la connaissance et la représentation des pédagogies nouvelles a évolué. Leur formation ne fait quasiment aucune place à ces pratiques alors qu’on sait que c’est un des facteurs favorisant le développement de ces pratiques. On peut, à l’opposer, citer des exemples étrangers : ainsi, en République tchèque, des programmes américains sont proposés clés en main aux étudiants en formation qui peuvent par ailleurs choisir de se spécialiser dans les pédagogies alternatives. En Belgique, à Liège, depuis 2010, une formation continue est mise en place sur trois ans pour les enseignants des écoles Freinet, ce qui a largement contribué au développement des écoles Freinet dans cette ville.
Les enseignants français connaissent donc mal ces pédagogies. Une étude récente du ministère de l’Éducation nationale a montré récemment qu’au collège, la majorité d’entre eux « plébiscitent un mode d’enseignement caractérisé par une démarche directe, structurée et fortement guidée », autrement dit une pédagogie traditionnelle. Une des raisons à cette situation est qu’ils se sentent peu formés et peu compétents pour s’engager dans des pratiques autres : par exemple, moins de 25 % d’entre eux déclarent se sentir capables d’aider les élèves à développer leur esprit critique.
Certes, un nombre croissant d’enseignants découvrent les pédagogies différentes par d’autres moyens que celui de la formation institutionnelle et souhaitent s’en inspirer dans leurs classes, par exemple en favorisant le travail en autonomie, en développant le travail en classes « inversées » ou « flexibles » ou la pédagogie de la nature. Mais nombreux sont ceux qui doutent de leur efficacité et préfèrent le maintien de routines professionnelles qui présentent l’avantage d’être familières à tous, enseignants, parents, élèves. Au final, la question de la diffusion des pédagogies nouvelles touche aux représentations, c’est-à-dire à un domaine très éloigné du rationnel.
Un ministre de l’Education nationale qui “n’a pas su convaincre les parents d’élèves“ et dont la gestion de la crise sanitaire “n’a pas amélioré les choses“.
De plus, la confiance dans le gouvernement pour résoudre les grands problèmes de l’école “s’érode“. L’étude prend pour exemple le sentiment d’aggravation de la baisse du niveau des élèves “qui s’est considérablement renforcé au cours des deux dernières années“, avec 69 % des parents d’élèves qui partagent cette avis (9 points de plus qu’en 2019). L’étude parle ainsi de “la défiance des parents d’élèves sur la capacité du gouvernement et du ministère de l’Éducation à enrayer la baisse du niveau des élèves.“ De même, 64% des parents n’auraient pas confiance (+4 points) dans le gouvernement pour résoudre les inégalités des chances en fonction de l’origine sociale.
Renforcement de l’autorité et des sanctions, autonomie accrue de l’action des équipes éducatives, plus de transparence sur les résultats scolaires et les faits de violence par établissement… En revanche, indique le document, “les parents d’élèves s’affranchissent de leurs préférences politiques pour soutenir très largement ces mesures, en dehors des clivages gauche-droite.“ Pour l’année 2022, 57 % des parents interrogés souhaiteraient une augmentation du budget de l’Education nationale (+ 6 points), une hausse très marquée quand ils sont parents d’élèves dans le privé (sous contrat) (une hausse de 15 points depuis 2019).
Pour ce qui est de l’évaluation du système éducatif et des conditions d’apprentissage, “le taux de satisfaction des parents d’élèves sur leur perception globale de l’enseignement dispensé chute quel que soit le niveau de classe. L’élémentaire perd 5 points et le secondaire chute littéralement, 11 points de moins pour le lycée et 10 pour le collège. Les parents s’avèrent particulièrement critiques sur les enseignements qui y sont dispensés » et ils n’ont “pas identifié de progrès dans les politiques publiques menées depuis l’arrivée aux manettes de Jean-Michel Blanquer“. Les parents demanderaient le retour de l’autorité, plus de transparence pour lutter contre la violence, une autonomie accordée à l’équipe pédagogique et une plus forte responsabilisation des parents.
“En dépit de la volonté de réformer l’École, les parents d’élèves demeurent globalement satisfaits de l’établissement de leurs enfants“ analyse enfin l’association, avec 57 % des parents qui pourraient dire du bien de l’établissement de leur enfant. Toutefois, « un tiers des parents ayant scolarisé leur enfant dans le public (32 %) estiment que ce dernier aurait plus de chances de réussir dans le privé…“ Parmi les critères de choix de l’établissement dans lequel est scolarisé son enfant, le “niveau des élèves / taux de réussite aux examens“ augmente, tout comme “la place des valeurs portées par l’équipe pédagogique dont le taux progresse de 14 points.“ A noter “un changement important entre 2019 et 2021“, les parents travaillant dans l’enseignement montreraient “des signes de perte de confiance dans les établissements publics : 43 % seulement leur font confiance, contre 66 % en 2019, soit une baisse de 23 %.“
“Il faut en finir avec cette fausse bienveillance du collège unique et d’un baccalauréat en carton. Voilà la priorité qui devrait apparaître dans tout programme politique, digne de ce nom, pour 2022“, commente alors la déléguée générale de SOS ÉDUCATION Sophie Audugé. Elle décrit un système éducatif “parmi les plus inégalitaires au monde, le niveau globalement acquis par les élèves baisse dramatiquement, et la course aux établissements d’élite, privés comme publics, commence de plus en plus tôt“. Elle estime par ailleurs que “le niveau de défiance des parents d’élèves quant à la capacité de nos institutions à relever les grands défis de l’École est extrêmement préoccupant.“
L’étude par thèmes participe de la vaste déconstruction en cours de la nation française.
Une tribune de Jean-Michel Castaing parue le 14 juillet 2021 dans le magazine Causeur ICI.
Pour passionner les jeunes Français au passé de leur pays, rien de tel que de revenir à l’enseignement chronologique de l’histoire de France. C’est à cette condition qu’ils redécouvriront le génie de leur nation.
L’histoire instrumentalisée à des fins idéologiques
Depuis des décennies, les gourous de l’Éducation nationale ont décidé d’enseigner l’histoire à nos enfants d’après des « matières thématiques » au détriment de la chronologie des événements. C’est ainsi que les élèves ont été confrontés à des sujets d’étude universitaires avant même de savoir maîtriser le français…
Courbes, statistiques, tableaux, documents administratifs : qui peut se passionner longtemps pour des objets d’enseignement aussi desséchants ? Ou bien le professeur comparera la royauté capétienne avec une dynastie africaine en survolant allégrement les siècles et les continents… Dans ce cas, l’arrière-pensée idéologique se lit comme un palimpseste dans le projet pédagogique cousu de fil blanc. L’histoire de France devient dès lors un simple prétexte pour formater subliminalement les cerveaux juvéniles dans le « sens de l’histoire »…
La mémoire se construit et se cultive avec des hommes, des récits et des passions
Les objections à l’enseignement chronologique sont toujours les mêmes : il s’agirait désormais de façonner des citoyens du monde, d’ouvrir les esprits, d’éviter le repli sur soi, de « sensibiliser » les jeunes aux autres cultures, de leur faire comprendre que la France s’est construite avec des apports extérieurs, ainsi que le débite religieusement le professeur au Collège de France Patrick Boucheron, grand pourfendeur de l’histoire identitaire avec son Histoire mondiale de la France (2017). Mais qui est dupe d’une telle entreprise et ne perçoit pas dans cette rhétorique la marque d’une idéologie multiculturaliste ?
Surtout, cette histoire thématique est trop abstraite pour intéresser les jeunes. Quant à l’enseignement de l’histoire de France au travers du prime des problématiques actuelles (sexisme, racisme, colonialisme, esclavage), ses visées sont trop grossières pour pouvoir passer en contrebande bien longtemps. Visées malhonnêtes aussi parce que cet enseignement orienté fait peser tout le poids de la charge sur l’Occident, alors que toutes les civilisations ont été colonisatrices, esclavagistes, sexistes, patriarcales. À l’escroquerie intellectuelle se joint une partialité née du ressentiment et d’une volonté d’en découdre avec le passé qui sont tout sauf scientifiques.
Se situer dans le temps
Les raisons d’en revenir à une histoire chronologique sont nombreuses. La première réside dans la facilité qu’elle offre aux jeunes de se situer dans le temps. Le présentisme actuel (le fait de ne plus vivre que dans l’instant présent et d’avoir perdu la notion de l’épaisseur historique des êtres et des choses) n’est pas propice à développer en eux la conscience de leur appartenance à un devenir qui court sur des siècles. Résultat : les jeunes Français ignorent d’où ils viennent et par conséquence qui ils sont. Pire, le magistère du « politiquement correct » leur fait un crime de cultiver leur identité, comme si le nec plus ultra du progrès résidait dans une existence d’ectoplasme sans racine ni attachement charnel à une patrie et à ses mœurs et dans l’élan de se faire hara-kiri afin de laisser toute place à l’Autre…
Face à ce rouleau compresseur débilitant et annihilateur, le retour en grâce de l’histoire chronologique permettrait aux élèves de se situer dans une continuité historique de destinée, de renouer avec le sens de la profondeur temporelle de leur pays, de leur apprendre qu’ils sont les enfants d’une généalogie et non les fruits d’une génération spontanée. Les jeunes Français, en situant saint Louis et Louis XVI dans le temps, n’auraient aucune chance de les confondre. La confusion dans les esprits commence en effet par celle des représentations du passé. De plus, un récit chronologique favorise l’intelligibilité de l’histoire. À l’inverse, son étude par « thèmes » brouille les cartes, atomise le devenir et finalement ne donne plus les moyens de faire la différence entre Charlemagne, Napoléon et Hitler…
Mieux comprendre la genèse et la spécificité de la France
L’histoire chronologique, en inscrivant notre époque dans une succession temporelle d’événements et de grands hommes, aide l’élève à se réapproprier le récit national. Il comprend mieux de la sorte le génie français. Car la France n’a pas été créée par les principes abstraits de 1789 et ne se réduit pas aux « valeurs de la République ».
Elle vient de plus loin : de la colonisation romaine, de la conversion de Clovis, du génie unificateur de Charlemagne, de la patience capétienne à « agrandir le pré carré » du domaine royal. Le récit chronologique dresse ainsi le panorama d’un pays qui s’est construit par la volonté de monarques successifs. La France est une œuvre politique avant d’être une « ethnie » ou une « race ».
Or, cette spécificité, seul le déroulé des événements permet de l’appréhender.
Cultiver la mémoire et la curiosité
De plus, l’histoire chronologique suscite davantage la curiosité qu’une histoire thématique abstraite. Il est plus ludique d’apprendre les batailles, les hauts faits d’un règne, les intrigues de cour que les tableaux de statistiques ! Les tableaux, les chiffres, les courbes, les termes abstraits, ça ne se retient pas. La mémoire se construit, se cultive avec des hommes, des récits, des passions, des amours, des renversements de situation, des volontés, des grands hommes. Comment comprendre la détestation dont Marie-Antoinette fut l’objet si on n’a pas appris que la lutte contre la maison d’Autriche a été l’invariant de la politique étrangère de la France depuis Richelieu avant d’être remise en cause sous Louis XV ?
De plus, l’élève est assez grand pour se rendre compte que la guerre au Moyen-Âge ou à la Renaissance, du temps de François 1er, est différente de celle des Temps Modernes, celle de 14-18 ou de 39-45. Au rebours de ce que pensent les pédagogistes, la chronologie n’abolit pas l’intelligence… Elle donne au contraire la possibilité de mieux appréhender l’évolution des mœurs, des pratiques politiques, de la guerre et de la paix. Par contraste, l’étude par thèmes brouille les repères et fait tout mélanger en n’orientant plus ni dans le temps ni dans l’espace.
Un signe du nihilisme contemporain
Enfin, le rejet de l’histoire chronologique est un signe – parmi d’autres – de la prégnance du nihilisme dans les esprits. Les grands hommes, les grands événements, les grandes découvertes, les grands desseins poursuivis par-delà les générations, tout cela est passé par-dessus bord. Seules subsistent dans le récit les vilenies, les atrocités et la domination de l’Occident honni. D’après les nouveaux maîtres de l’histoire, la nôtre est soit criminelle, soit aussi triviale qu’un livre de comptes. Dans tous les cas, ne surnage plus que le rien, le sordide ou le mal. Il est temps d’en finir avec cette histoire-repentance et de renouer avec la trame des événements et des grands hommes dont nous n’avons pas à rougir, sans faire l’impasse toutefois sur les ombres ni la condition précaire des classes populaires.
L’intelligence collective aura tout à gagner à ces retrouvailles avec notre génie. Nous devons bien cela à nos enfants, hypnotisés par leurs Iphones et qui se demandent ce qu’ils ont en commun les uns avec les autres, hormis leur addiction numérique… La France ne s’est pas faite en un jour. Le récit chronologique de notre roman national, loin d’être un bourrage de crâne ou une entreprise de franchouillardise étroite et obtuse, constitue au contraire la meilleure initiation au génie français. Car le génie, que ce soit celui des individus ou des nations, se développe toujours avec le temps, dans la durée. Et comment les jeunes en prendraient-ils conscience si l’enseignement de l’histoire leur occulte la dimension temporelle de celui de notre nation ?
Enfants surdoués, intellectuellement précoces (EIP) ou à haut potentiel (EHP) : ces dénominations sont de plus en plus fréquentes dans les discussions sur l’éducation. Cela va du constat d’un nombre non négligeable d’élèves concernés en France, aux critères de détection et d’accompagnement de ce profil à besoin particulier.
Ce sujet s’invite à l’école : dans la salle des maîtres où un enseignant, en difficulté face à un élève, se demande si celui-ci est surdoué ; lors des échanges entre professeurs et parents où les seconds parlent de la précocité de leur enfant pour justifier les problèmes soulevés par l’école.
Or, ce profil d’élèves n’est pas le seul à avoir des besoins éducatifs particuliers. Le risque d’une surmédiatisation d’un profil est de faire tomber les autres dans l’oubli. Ce risque est particulièrement élevé pour les élèves excellents scolairement mais qui ne sont pas à haut potentiel.
Besoin de reconnaissance
Les termes employés pour désigner des personnes manifestant des aptitudes intellectuelles exceptionnelles sont nombreux : en France on parle de surdoués, précoces, génies ou très récemment de zèbres ; aux États-Unis, c’est « gifted » (doué), « dotato » en Italie et « high ability » en Europe. Ces adjectifs sont utilisés pour qualifier
« un enfant qui manifeste la capacité de réaliser, dans un certain nombre d’activités, des performances que ne parviennent pas à accomplir la plupart des enfants de son âge »,
et ayant tendance à apprendre « sans effort et à un rythme particulièrement rapide, faisant preuve d’une curiosité insatiable et d’une excellente mémoire ».
La comparaison aux autres enfants de leur âge crée le premier point d’accroche quand on s’intéresse à ce profil d’élève à l’école. Mais le second se situe dans le fait qu’un certain nombre de ces élèves rencontrent des difficultés scolaires, entravant parfois leur avancée dans leur parcours.
Il y a donc un besoin de reconnaissance par l’éducation nationale de l’existence des enfants à haut potentiel et de leur besoin d’adaptations pédagogiques. La présence de cet intitulé dans le code de l’éducation montre qu’ils sont reconnus officiellement et institutionnellement.
Excellence et précocité
Dans toute la France, les enseignants sont susceptibles d’accueillir des élèves intellectuellement précoces, et donc de devoir les accompagner durant leur scolarité. Quelle différence font-ils entre l’excellence et le haut potentiel dans les particularités respectives de leurs besoins ?
Dans le cadre d’une enquête nationale à destination des enseignants de primaire en éducation prioritaire recueillant plus de 1500 réponses, nous les avons interrogés sur leur perception de l’excellence. Sur notre échantillon, ils sont très peu à considérer l’excellence scolaire comme synonyme de la précocité (de l’ordre du 1 %). Voici les termes qu’ils utilisent :
« J’ai considéré dans ce questionnaire les enfants en très grande réussite scolaire, dit “surdoués”, et non pas ceux qui bossent beaucoup à la maison. »
« Pour moi, pour faire court, le sujet de ce questionnaire sur l’excellence, c’est sur la précocité en fait. »
La très grande majorité fait donc la différence entre les deux. Ils identifient pour eux des réponses pédagogiques différentes en fonction du profil avec une orientation spécifique vers des structures spécialisées quand il s’agit de hauts potentiels.
« Bien entendu, je ne parle que d’enfants excellents et non pas d’enfants surdoués où là, la structure d’une classe banale ne convient pas. »
C’est à travers ces comparaisons que les enseignants définissent ce qu’est pour eux un élève excellent.
La très grande réussite scolaire résulte d’une grande adaptabilité de l’enfant qui doit connaître les codes, les contraintes et attentes de l’institution et des enseignants.
« L’élève en réussite n’est ni un fayot, ni un surdoué, ni un génie : juste un enfant qui évolue plus vite que le reste de la classe. »
Il y a donc des profils différents d’élèves précoces et d’élèves excellents : un élève précoce n’est pas forcément excellent et inversement.
Les oubliés du système
Une médiatisation trop importante de la notion de précocité, comme toutes les étiquettes que l’on pose, peut occulter certains profils, comme celui de l’élève excellent.
En effet, les enseignants, particulièrement ceux exerçant en éducation prioritaire (cible de notre enquête), font face à de nombreuses recommandations autour de leur rôle indispensable pour la vie future des élèves. Il leur est demandé de lutter contre le décrochage scolaire, de parer l’échec, combler les difficultés, mais également de prendre en compte ceux « souffrant de handicaps, de difficultés d’apprentissage et d’inégalités sociales ».
À cela s’ajoute l’idéal de l’enseignant qui peut changer des vies. Cela crée une pression importante pouvant aller jusqu’à un réel mal-être professionnel.
Les enseignants se retrouvent contraints de faire des choix d’élèves à privilégier, quand la répartition équitable du temps entre chacun n’est pas envisageable. Ces étiquettes vont avec ces prescriptions qu’elles induisent et amènent ceux qui n’en ont pas à être laissés de côté en les privant de l’attention qu’ils méritent.
C’est la conclusion de notre ouvrage autour de l’excellence en éducation prioritaire, avec le risque décrit par les professionnels de faire des élèves excellents (non étiquetés donc) les oubliés des enseignants et de l’enseignement.
Gouvernance par les nombres
Aujourd’hui, c’est toujours le test du WISC (test de Wechsler adapté aux enfants, cinquième version depuis 2016) qui est la référence pour mesurer l’intelligence des élèves dans le contexte scolaire. On retrouve ici le débat récurrent autour de la pertinence des tests comparatifs, comme il y en a pour les enquêtes PISA (Programme international pour le suivi des acquis).
En effet, le fait qu’il existe un nombre d’élèves avec un score élevé à ce test qui sont en échec scolaire et d’autres élèves excellents avec un score dans la norme est une information importante. On ne prend donc pas beaucoup de risques en affirmant que le test du WISC n’est pas infaillible.
Attention, le propos ici n’est pas de nier l’existence et surtout la nécessité d’une prise en compte et d’une adaptation spécifique des pratiques pédagogiques au profil particulier des hauts potentiels, ni même de diaboliser le test. Le Wisc est nécessaire pour repérer les EIP car il permet de détecter ceux en échec scolaire qui ont un haut potentiel. Mais il ne l’est pas dans le cadre de l’excellence parce qu’il ne l’identifie pas.
On arrive ici à l’idée, défendue par Alain Supiot dans son ouvrage sur la gouvernance par les nombres, du danger d’une surestimation du rôle et du statut de ces nombres. Si la société et, par là même, les enseignants, donnent trop de valeurs au résultat de ce test, ils risquent de se focaliser prioritairement voire exclusivement sur les EIP, au détriment des autres, dont ceux excellents qui seraient identifiés comme non-EIP. Ces derniers, s’ils ne sont pas précoces, risquent de souffrir d’un manque de prise en charge, pourtant indispensable pour permettre à leur potentialité de s’exprimer.